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CHARRAT JANINE (1924-2017)

Une chorégraphe novatrice

Préférant suivre Serge Lifar aux Nouveaux Ballets de Monte-Carlo (1945-1947) avant d’entrer aux Ballets du marquis de Cuevas (1947-1951), elle y danse des ballets classiques comme Les Sylphides ou Giselle, mais elle crée aussi des œuvres pour la seconde compagnie de Roland Petit, les Ballets de Paris, dont La femme et son ombre (1948) sur une musique d’Alexandre Tcherepnine et un livret de Paul Claudel. Le ballet est alors dansé par Janine Charrat, Colette Marchand et Maurice Béjart. La même année, elle crée ʼAdame miroir (1948) sur un argument de Jean Genet (musique de Darius Milhaud, décors de Paul Delvaux), ballet qui montre un marin aux prises avec sa conscience, démultipliée par un effet de galerie des glaces. Janine Charrat, qui s’avance en pionnière vers une forme d’expressionnisme théâtral, s’éloigne des conventions du ballet classique qui recourt essentiellement à des histoires romanesques. Elle développe cette tendance de manière radicale lorsqu’elle crée sa propre compagnie en 1951.

Les Ballets Janine Charrat(qui deviendront un temps le Ballet de France de Janine Charrat) vont parcourir le monde et faire de sa directrice une chorégraphe plus reconnue à l’étranger qu’en France. Avec cette compagnie très cosmopolite, Janine Charrat s’engage dans des projets ambitieux comme Orfeo (1951), le très sauvage Massacre des Amazones (1951) et surtout Les Algues (1953). Ce dernier ballet, révolutionnaire, utilise, bien avant Maurice Béjart, la musique concrète – signée ici Guy Bernard – et le texte parlé, abordant avec un langage académique renouvelé l’univers des asiles d’aliénés. Les Algues connaissent un immense succès aux États-Unis, où sa compagnie se produit dans soixante villes en quatre mois en 1957. Cette même année, elle crée Les Liens qui préfigurent, par des jeux d’élastiques reliant les danseurs, la modern dance d’Alwin Nikolaïs. Janine Charrat a toujours à cœur de travailler ses costumes aussi bien avec des peintres qu’avec des couturiers (Marie Laurencin, Pierre Balmain, Jean Bazaine, Pierre Soulages, Georges Wakhevitch) et elle sollicite des compositeurs contemporains éclectiques (Igor Stravinski, Marcel Landowski, Jef Maes, Henri Sauguet, Francis Lai, Maurice Jarre, Darius Milhaud, Edgar Varèse, Georges Delerue).

Le 18 décembre 1961, alors qu’elle tourne dans un studio de télévision une version des Algues, un chandelier enflamme son costume, la transformant en torche vivante. Brûlée à 70 p. 100, elle lutte contre la mort et la souffrance durant des semaines. Mais, « certaine de revenir à la danse », elle remonte sur scène en juin 1963 dans Tu auras nom… Tristan, au Grand Théâtre de Genève dont elle dirige la compagnie (1961-1963).

Désormais chorégraphe indépendante, Janine Charrat signe des œuvres dans le monde entier. Cependant, sa carrière s’étiole. Elle crée néanmoins plusieurs chorégraphies pour le Volksoper de Vienne (Orphée en 1968, LOiseau de feu en 1969…). « J’aurais pu avoir une grande compagnie, mais je voulais surtout être libre », dira-t-elle. Elle est conseillère à la danse du Centre Georges-Pompidou de 1979 à 1988 et remonte certaines de ses œuvres, sans que la reconnaissance soit à la hauteur de son talent, d’ailleurs multiforme puisqu’elle fut aussi une bonne sculptrice. Elle décède à Paris le 29 août 2017.

— Ariane DOLLFUS

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Média

Janine Charrat - crédits : Boris Lipnitzki/ Roger-Viollet

Janine Charrat