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JANSÉNISME

Le jansénisme n'est pas un phénomène isolé, mais une manifestation particulièrement dramatique de la crise provoquée par la Renaissance humaniste qui secoue la théologie catholique au xviie siècle. Jusque vers 1550, le problème des relations entre la liberté humaine et la grâce est dominé par les solutions qu'y avaient apportées saint Augustin. Ce dernier, en réaction contre l'humanisme païen qui exaltait les possibilités naturelles de l'homme, et dont les traces se retrouvaient dans le pélagianisme, tendait à rabaisser l'homme devant Dieu et affirmait sa totale dépendance à l'égard du Créateur. D'où l'idée de prédestination gratuite, ayant pour seul fondement le mystère du décret divin, et celle de grâce efficace, qui atteint infailliblement son effet tout en laissant intacte la liberté. Thomas d'Aquin et ses disciples n'y avaient rien changé et s'étaient efforcés d'étayer ces positions sur des bases rationnelles. Mais l'humanisme avait fait apparaître de nouvelles revendications à l'égard des valeurs humaines naturelles et, d'instinct, certains penseurs cherchaient à sortir du pessimisme augustinien en rendant à l'homme une meilleure place devant Dieu. En outre, d'aucuns étaient sensibles au fait que l'augustinisme traditionnel semblait pour une part favoriser le calvinisme.

Dans ce mouvement, un rôle central revenait aux Jésuites, ordre moderne par sa situation intramondaine et ses préoccupations apostoliques. Ce fut surtout grâce aux efforts de ses théologiens que, peu à peu, dans l'ensemble de l'Europe, une théologie nouvelle prit forme. Parallèlement, l'apparition de ces idées qui rompaient avec la tradition provoqua, dans de nombreuses facultés, un raidissement des positions augustino-thomistes, une volonté d'archaïsme dans les formules dont Baïus à Louvain fut un exemple malheureux (1567).

Les nouvelles théories trouvèrent une expression d'ensemble dans la fameuse Concordia du jésuite Molina (1588), où étaient clairement affirmés les deux points centraux : la prédestination en prévision des mérites et la grâce suffisante, qui ne devient efficace que par le concours de la volonté humaine. Ce manifeste provoqua, dans le milieu des spécialistes, des polémiques dont on pouvait prévoir toute la violence et dans lesquelles s'inscrira le mouvement janséniste. La querelle prit alors un tour où politique et théologie se mêlaient intimement.

Un mouvement multiforme

L'« Augustinus » et Port-Royal

Le jansénisme fut d'abord une doctrine théologique fondée sur les écrits antipélagiens de saint Augustin. Après Baïus (1513-1589), le Hollandais Jansen (1585-1638), évêque d'Ypres, affirma que, depuis le péché originel, la volonté de l'homme sans le secours divin n'est capable que du mal. Seule la grâce efficace peut lui faire préférer la délectation céleste à la délectation terrestre. Cette grâce est irrésistible, mais n'est pas accordée à tous les hommes. Le jésuite Luis de Molina (1536-1600) avait au contraire assuré qu'une grâce suffisante apporte en toute circonstance le concours divin nécessaire pour faire le bien : libre à chacun d'utiliser ou non ce concours.

Les polémiques suscitées par Baïus et Molina avaient incité Rome à décider, en 1611, qu'on ne devait rien publier sur la grâce sans l'expresse permission du Saint-Office : ce qui n'empêcha pas la parution de l'Augustinus deux ans après la mort de son auteur. Immédiatement attaqué par les Jésuites et rapidement édité en France, l'Augustinus eut pour éloquent défenseur Antoine Arnauld (1612-1694) dans deux Apologies pour Jansénius (1644-1645). Disciple de Saint-Cyran alors emprisonné (celui-ci était de longue date l'ami de Jansénius) et frère de la mère Angélique, la réformatrice[...]

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Blaise Pascal - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Blaise Pascal

<it>Isaac Louis Le Maître de Sacy</it>, P. de Champaigne - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Isaac Louis Le Maître de Sacy, P. de Champaigne

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