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JANSÉNISME

Le jansénisme italien

Le jansénisme italien n'a pas pris naissance, comme le jansénisme français, au xviie siècle mais dans le premier tiers du xviiie après la publication (1713) de la bulle Unigenitus qui condamnait cent une propositions des Réflexions morales de l'oratorien Pasquier Quesnel (condamnation qui intervint en dépit du fait que de nombreux évêques français, et notamment le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, avaient loué sans réserve ce livre de piété, dans lequel les théologiens romains avaient discerné de nombreuses traces des doctrines jansénistes).

Le mouvement se développa en Italie selon deux axes principaux. Il s'étendit d'abord dans le Milanais et en Vénétie (avec leurs universités de Padoue et de Pavie), puis en Toscane, dont le grand-duc était frère de Joseph II, et enfin, avec moins de virulence, dans le royaume de Naples, dont la reine Marie-Caroline était, comme Marie-Antoinette, fille de l'impératrice Marie-Thérèse. Le second centre du mouvement se situe à Rome même, dans une sorte de cénacle dit l'Archetto, dont les animateurs furent successivement deux conservateurs de la bibliothèque Vaticane, les prélats Bottari et Foggini, tous deux toscans, que protégeaient entre autres les deux cardinaux Corsini, neveux du pape Clément XII. On y trouve principalement des oratoriens, des augustins et des adversaires des jésuites. Les monarques qui les protégèrent virent surtout, dans ces tendances, un appoint pour le « joséphisme », le « juridictionnalisme » (prétention des représentants du « despotisme éclairé » à réglementer eux-mêmes la législation religieuse de leurs pays respectifs) et l'hostilité aux ambitions temporelles de la papauté.

Plus tard, un centre également très actif s'implanta en Piémont et en Ligurie. En 1786, le fait le plus marquant de cette période fut le Synode de Pistoia, organisé par l'évêque Scipion de Ricci, avec la pleine faveur du grand-duc Léopold et le concours effectif de théologiens venus de Pavie pour lui prêter main-forte. Léopold avait espéré, l'année suivante, que tout l'épiscopat toscan se rallierait aux tendances de Ricci, mais il n'en fut rien. Seuls les deux évêques des petits diocèses de Pienza et de Colle firent cause commune avec l'évêque de Pistoia et Prato ; et une révolte de paysans, scandalisés des tendances novatrices de leur évêque, notamment du discrédit qu'il tentait de jeter sur les images pieuses de leurs églises (dont la plus vénérée était la prétendue ceinture de la Vierge Marie tombée du ciel lors de son Assomption), l'obligea, après quelques années d'épiscopat, à donner sa démission et à se retirer dans ses terres. Rome put alors sévir contre Ricci, après le départ du grand-duc qui succédait à son frère Joseph II sur le trône impérial en 1790 ; en 1794, une bulle foudroya en quatre-vingt-cinq articles les doctrines principales que l'évêque avait tenté d'implanter dans son diocèse.

Les Pères du Synode étaient seulement des curés, assez nombreux, de ce diocèse, l'un des plus vastes de Toscane. Mais Ricci trouva alors un défenseur en Ligurie en la personne d'un simple prêtre, l'abbé Degola, et un autre avec l'évêque d'un petit diocèse de la côte occidentale, le dominicain Benedetto Solari ; ceux-ci prirent fait et cause pour le Synode à l'occasion de la promulgation intempestive de la bulle Auctorem fidei dans la République de Gênes, alors que le sénat de cette république aristocratique n'en avait pas été suffisamment informé, comme il était de règle à l'époque.

Ricci avait formé sa bibliothèque personnelle uniquement d'ouvrages français du xviie et du xviiie siècle, dont il avait répandu dans son diocèse plusieurs traductions italiennes sous forme de brochures. Mais la faveur que[...]

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Blaise Pascal - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Blaise Pascal

<it>Isaac Louis Le Maître de Sacy</it>, P. de Champaigne - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Isaac Louis Le Maître de Sacy, P. de Champaigne

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