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HOLT JANY (1909-2005)

Jany Holt, de son vrai nom Ekaterina Rouxandra Olt, naît à Bucarest le 13 août 1909. À dix-sept ans, elle débarque à Paris pour vivre sa passion, le théâtre – auprès de Charles Dullin. Sa persévérance touche Raimu. Elle apparaît à son côté dans Ces Messieurs de la Santé (Paul Armont, 1931). Harry Baur l'avait distinguée parmi les ombres du ghetto de Prague, quand Julien Duvivier ressuscitait la légende du Golem (1936). Son intervention décide Abel Gance à lui confier, la même année, le personnage de la capricieuse Giulietta, dans Un grand amour de Beethoven.

Corps frêle et nerveux, visage émacié où brûlent deux yeux noirs tirés vers les tempes, elle affirme que l'actrice de cinéma n'est qu'une création du metteur en scène et de l'opérateur. Elle tourne ce qu'on lui propose, même si le cinéma s'égare en lui imposant des rôles d'épouse brimée (Courrier Sud, Pierre Billon, 1936 ; Troïka sur la piste blanche, Jean Dréville, 1937), ou de garce féroce (Le Domino vert, Henri Decoin, 1936). Elle émerge des taudis (Les Bas-Fonds, Jean Renoir, 1936), s'exalte jusqu'au crime (La Tragédie impériale, Marcel L'Herbier, 1937). Entraîneuse dans L'Alibi (Pierre Chenal, 1936), elle mélange l'amour et l'humour et passe en virtuose du rire aux larmes. Un an plus tard, elle endossera les pires conventions du mélo dans La Maison du Maltais (P. Chenal), et sauvera la mise.

En 1936, sur scène, Jany Holt se déchaîne dans Les Innocentes de Lillian Hellman. Gamine mythomane et vipérine, elle provoque l'abandon et la mort, attise la détresse et le désespoir. L'année précédente, elle avait connu un autre succès avec Je vivrai un grand amour, de Stève Passeur, dans une mise en scène de Georges Pitoëff. Elle souhaiterait se tourner vers la comédie, mais les événements de mai 1940 l'obligent à abandonner Un petit ange de rien du tout (Claude-André Puget). Dans Paris occupé, elle joue la Sainte Jeanne de Bernard Shaw, reprend L'Heure du berger d'Édouard Bourdet. Tandis que la critique la juge trop intelligente et parfois maniérée, les spectateurs lui demeurent fidèles. Elle atteint alors son apogée à l'écran, en créant trois personnages qui feront date. Dans Le Baron Fantôme (Serge de Poligny, 1943), Anne, sensible et voluptueuse, pare de son élégance le personnage rêvé par Cocteau, apportant le bonheur aux uns et aux autres. La même année, Jany Holt est Thérèse, la fille sauvage imaginée par Robert Bresson et Jean Giraudoux dans Les Anges du péché. Vindicative, rusée et hypocrite, elle n'échappera pas aux retombées de la grâce. Enfin, elle incarne Sylvie, vouée par un sombre destin à retrouver la cathédrale enfouie où, jadis, officiaient les évêques cathares, dans La Fiancée des ténèbres (S. de Poligny, 1944).

Par la suite, Jany Holt multiplie les mauvais choix au cinéma, à l'exception de Mademoiselle de La Ferté (Roger Dallier, 1949), chant du cygne où elle se joue des ambiguïtés du personnage de Pierre Benoit et le rend passionnant. Toujours inspirée, on la revoit sur scène dans Le Pain dur (Paul Claudel, 1947), Héloïse et Abélard (Roger Vailland, 1949), Siegfried (J. Giraudoux, 1952) et Le Feu sur la terre (François Mauriac, 1950).

En 1936, elle avait épousé le temps d'un éclair Dalio, son partenaire dans La Maison du Maltais, merveilleux comédien tout en facettes et pirouettes ; elle resta quelques années la compagne de Jacques Porel, le fils de la grande Réjane, qui lui rend hommage dans son livre de souvenirs, où se révèle l'action clandestine qu'elle mena pendant l'Occupation et qui lui valut en 1945 d'être décorée de la croix de la Libération.

L'après-guerre entraîne son quasi-effacement. Mentionnons un rôle secondaire dans Gervaise (René Clément, 1955), un passage dans La Femme gauchère[...]

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