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JAPON (Arts et culture) Le cinéma

Le tournant

À la fin des années 1990, une page se tourne dans l'histoire du cinéma japonais. Trois cinéastes majeurs sont décédés : Masaki (dont la dernière grande création reste son seul film documentaire, Le Procès de Tōkyō [Tōkyō saiban], 1983, remise en question du militarisme nippon), Kurosawa Akira (dont le magnifiqueMadadayo, 1993, sa dernière œuvre réalisée est à double titre testamentaire), et Kinoshita Keisuke qui fit ses débuts la même année que Kurosawa, mais fut actif moins longtemps. La série extrêmement populaire Tora-san a perdu son comédien emblématique, Kiyoshi Atsumi. Parmi les cinéastes de la « nouvelle vague », Oshima Nagisa, victime d'un accident cardiaque, n'a pas encore pu tourner de nouveau, et Yoshida Kiju (Yoshishige) a bien du mal à trouver des producteurs. D'une génération intermédiaire, Imamura Shohei, peut désormais tourner régulièrement. Le festival de Cannes lui apporte une seconde fois la consécration internationale avec L'Anguille (Unagi), en 1996. Plus directement autobiographique que tous les précédents, Dr. Akagi(Kanzosensei, 1997), s'inscrit dans le passé – le Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale – tout en proposant une lecture moderne. Avant sa mort, survenue en 2006, Imamura réalisera De l'eau tiède sous un pont rouge (Akai hashi no shita no nuruimizu, 2001), ainsi que le dernier épisode du film collectif 11 minutes, 9 secondes, une image : September 11 (2002).

Seul cinéaste majeur apparu depuis le début des années 1990, Kitano Takeshi, auteur notamment de Sonatine (1993), parle, quant à lui, du monde moderne, de ses violences et de ses interrogations, à partir de variations pleines de brio sur le genre du film yakuza. Kid's return (1996), puis Hana-bi (1997) lui ont permis d'élargir son propos, comme on le voit avec les films qui ont suivi, tels que Kikujirō (Kikujirō no nastu, 1999), Dolls (2003) ou Glory to the Filmmaker (2007). À l'exception de Kurosawa Kiyoshi (Cure, 1997, Kairo, 2000, Doppelgänger, 2002, Tokyo Sonata, 2008), tous les autres cinéastes dont on peut voir des films dans des festivals européens comme Nantes (le festival des Trois Continents) ou Orléans (la Biennale du cinéma japonais) ont une carrière trop distendue pour qu'une œuvre s'impose réellement, avec des chances de trouver des distributeurs étrangers. Or ceux-ci sont une condition indispensable à leur reconnaissance et à leur survie créatrice dans un pays où le cinéma a peu ou prou épuisé ses formules, où la télévision n'a gardé du cinéma que les séries chambara dont elle reprend sans cesse les schémas, et où le monde virtuel entièrement tourné vers les adolescents s'épanouit davantage dans les exploitations multisupports et les jeux vidéos que sur les écrans de cinéma. Les firmes japonaises qui ont investi à l'étranger et notamment aux États-Unis en rachetant des studios (Sony et Columbia par exemple) ne sont plus des vecteurs de structuration de l'industrie cinématographique japonaise, et les indépendants n'ont pas encore les moyens de dialoguer avec le public.

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Rashomon, A. Kurosawa - crédits : Hulton Archive/ Moviepix/ Getty Images

Rashomon, A. Kurosawa

<it>L'Empire des sens</it>, N. Oshima - crédits : Prod DB /KCS /Aurimages

L'Empire des sens, N. Oshima