- 1. Grandes villes et systèmes de parcs
- 2. L'âge d'or de l'horticulture
- 3. Les esthétiques « fin de siècle »
- 4. Historicisme et nationalismes
- 5. Les expérimentations modernistes
- 6. L'émergence internationale du paysagisme
- 7. Les nouveaux enjeux de l'espace public
- 8. Les approches postmodernes
- 9. Vers un jardinage écologique et responsable
- 10. Bibliographie
JARDINS De la révolution industrielle à nos jours
Les esthétiques « fin de siècle »
Les années 1880 correspondent, dans toute l'Europe, à une profonde remise en cause des modèles économiques et politiques dominants. De nombreux groupes d'intellectuels et d'artistes critiquent alors le triomphe d'une industrie broyant les individus et détruisant la nature, particulièrement en Angleterre. Figure emblématique du mouvement Arts and Crafts, dont John Ruskin se fait le héraut et qui considère que la production de masse et le capitalisme ont dégradé la longue tradition d'un artisanat remontant au Moyen Âge, le théoricien et designerWilliam Morris prône un retour aux techniques et aux matériaux traditionnels, ainsi qu'au riche répertoire vernaculaire des campagnes. Le bien-être des individus réclame une prise en compte globale de leur cadre de vie et le jardin doit y jouer un rôle essentiel. Se détournant des plantes aux couleurs trop vives et des parterres trop compliqués en mosaïculture des parcs victoriens, les nouveaux jardiniers revendiquent une rusticité et un naturel puisés dans la sagesse et les savoir-faire paysans. Le jardin Arts and Crafts trouve sa forme la plus achevée dans l'œuvre conjointe de l'architecte Edwin Luytens et de la peintre Gertrude Jekyll, artiste experte dans la connaissance et l'association chromatique des végétaux. Faisant se succéder des enclos de briques abritant des mixed borders aux plantations exubérantes, des pergolas où grimpent clématites, roses anciennes et chèvrefeuilles, ou encore des prés parsemés de plantes à bulbes au printemps et de fleurs des champs l'été – selon les idées de William Robinson, auteur de The Wild Garden (1870) –, ce mode de jardinage a perduré jusqu'à nos jours.
Vers la même époque, cette esthétique, très marquée par les recherches sur la couleur et les textures, se traduit chez le peintre Claude Monet par la conception d'un jardin qui serait une source inépuisable d'inspiration et de contemplation des métamorphoses de la lumière. À Giverny, le motif du « pont japonais » qui enjambe le bassin des nymphéas rappelle un autre courant artistique, lié aux expositions universelles : le japonisme, auquel se rattache l'architecte Alexandre Marcel au Parc oriental (à partir de 1900) de Maulévrier (Maine-et-Loire). Il semble que cette période « fin de siècle » soit propice au retour d'une certaine tradition idéaliste, – voire mystique chez Gaudí au parc Güell (1900-1914) de Barcelone –, qui se manifeste dans des créations aussi différentes que les jardins d'Albert Kahn à Boulogne-Billancourt (à partir de 1895) ou ceux de Joachim Carvallo à Villandry (à partir de 1906). Métaphore d'un monde réconcilié, dans une période où les nationalismes s'exacerbent, la création du banquier exilé de sa terre natale participe pleinement de son idéal utopique, tandis que les trois niveaux agencés par le docteur d'origine espagnole réinventent une Renaissance fantasmatique teintée de symbolisme.
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Écrit par
- Hervé BRUNON : chargé de recherche au C.N.R.S., centre André-Chastel, Paris
- Monique MOSSER : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles
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Médias
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