- 1. Grandes villes et systèmes de parcs
- 2. L'âge d'or de l'horticulture
- 3. Les esthétiques « fin de siècle »
- 4. Historicisme et nationalismes
- 5. Les expérimentations modernistes
- 6. L'émergence internationale du paysagisme
- 7. Les nouveaux enjeux de l'espace public
- 8. Les approches postmodernes
- 9. Vers un jardinage écologique et responsable
- 10. Bibliographie
JARDINS De la révolution industrielle à nos jours
Historicisme et nationalismes
En 1867, l'historien Arthur Mangin affirmait que le jardin paysager serait le « jardin de l'avenir », dans la mesure où la liberté formelle de ce style correspondait aux aspirations progressistes des sociétés modernes. Quelques années plus tard, Gustave Flaubert ridiculisait dans Bouvard et Pécuchet les afféteries du goût petit-bourgeois qui cherchait à s'en inspirer en multipliant allées tortillées, plantations exotiques, petits lacs étriqués et fabriques éclectiques. Le jardin régulier, dont l'heure de gloire remontait à l'Ancien Régime, avait néanmoins connu un certain regain dans l'affirmation du « style composite ou mixte », résultant d'un judicieux mélange des deux vocabulaires, géométrique et irrégulier, tel que le recommandait Édouard André. L'épuisement du répertoire paysager, décliné ad libitum dans le monde entier, coïncide dans le dernier quart du xixe siècle avec l'affirmation de phénomènes nationaux de revival dans une Europe en proie à la montée des idéologies patriotiques qui allait conduire à la Première Guerre mondiale. Chaque pays exalte alors sa propre mémoire culturelle, y compris en ce qui concerne l'art des jardins, domaine qui suscite des historiographies spécifiques. Initiant ce mouvement dès les années 1840, l'Angleterre victorienne va rechercher parterres et topiaires dans le répertoire élisabéthain et jacobéen, compilé par Reginald T. Blomfield dans The Formal Garden in England (1892). En France, on assiste après la défaite de 1870 à l'invention du style « à la française » proprement dit, qui revendique un retour aux « jardins de l'intelligence » du Grand Siècle, où dominent ordre et clarté, et érige la figure d'André Le Nôtre en héraut d'un « génie national », ainsi célébré par Lucien Corpechot en 1912 (Les Jardins de l'intelligence). La carrière du paysagiste Achille Duchêne dépasse cette vision strictement passéiste et chauviniste et aboutit à une synthèse où se combinent harmonieusement mémoire historique et réinvention formelle. S'il restaure les anciens parterres de Vaux-le-Vicomte, il crée ex nihilo au château de Voisins à Saint-Hilarion d'immenses jardins où le vocabulaire historicisant est mis au service d'une conception originale de l'espace. En Italie, c'est un cercle d'intellectuels anglo-américains implantés en Toscane, tels Edith Wharton ou Inigo Triggs, qui en faisant redécouvrir le patrimoine des jardins de la Renaissance sera à l'origine, vers 1900, du style all'italiana, illustré par Cecil Ross Pinsent, lequel crée les jardins de la villa I Tatti (à partir de 1909) pour l'historien d'art et collectionneur Bernard Berenson. Ce courant sera ultérieurement instrumentalisé par la propagande fasciste, qui prétendra consacrer lors d'une exposition à Florence, en 1931, le « primat italien » dans l'art des jardins.
Cependant, le jardin paysager reste bien présent, entre autres à travers des réinventions fécondes comme le parc populaire allemand (Volkspark), modèle diffusé dans les années 1920, où des massifs boisés entourent de grandes clairières qui accueillent les activités collectives en plein air, encouragées par les théories hygiénistes, ou l'exemple du Bois d'Amsterdam, aménagé selon les principes de l'écologie alors naissante, à partir de 1934, sur des terrains marécageux conquis grâce aux plans d'eau et aux arbres maintenant le sol.
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Écrit par
- Hervé BRUNON : chargé de recherche au C.N.R.S., centre André-Chastel, Paris
- Monique MOSSER : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles
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Médias
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