JARDINS Les Français et leurs jardins
Le jardin naturel
Avec le développement du mouvement écologiste dans les années 1970, l'idée d'une nature menacée dans sa diversité n'inquiète plus seulement les spécialistes. Les modes actuels de production et de commercialisation, la sélection à outrance et la standardisation des produits ont entraîné un appauvrissement considérable de la palette végétale, et suscité en réaction dans le public le désir de retrouver des espèces autrefois courantes et qui ont cessé d'être commercialisées – qu'il s'agisse de plantes ornementales ou qu'il s'agisse de fruits et de légumes. Des collectionneurs érudits et des amateurs avertis se sont mobilisés les premiers, bien avant les pouvoirs publics, pour la sauvegarde des espèces en voie de disparition. Ils sont partis à la recherche des variétés anciennes et locales, ont lancé des opérations d'inventaire, fondé les premiers vergers-conservatoires et créé un vigoureux mouvement associatif pour la protection de la flore cultivée. Ces associations se donnent expressément pour but, inscrit dans leurs statuts, la protection du patrimoine végétal. Elles se sont multipliées à partir des années 1980, et ont acquis une visibilité croissante en organisant des foires aux plantes, dont le succès a été fortement orchestré par la presse spécialisée, de Rustica à L'Ami des jardins. Fleurs, fruits et légumes aux parfums et saveurs du passé et du terroir occupent dans ces expositions d'amateurs une place privilégiée. Ainsi se conjuguent, dans ces années 1980 et 1990, le retour au local et le retour à la nature, la ferveur patrimoniale et l'apologie de la diversité.
Grâce au mouvement associatif, grâce aussi à la caution et au soutien que lui ont apportés des professionnels, paysagistes ou pépiniéristes, le goût de la botanique et de l'horticulture s'est diffusé dans un milieu plus large que l'élite des spécialistes érudits. Certains créateurs ont joué un rôle décisif dans la diffusion des savoirs et des thématiques de l'écologie, de Jacques Simon qui les a introduits dès les années 1970 à l'École nationale supérieure du paysage, à Gilles Clément dont les réalisations et les écrits ont eu dans le grand public un fort retentissement (en témoigne le succès spectaculaire de l'exposition « Le Jardin planétaire », présentée à Paris dans la Grande Halle de la Villette de septembre 1999 à janvier 2000). Le rapprochement entre amateurs et professionnels a contribué à l'émergence de nouvelles pratiques et de styles inédits. Au modèle des jardins fleuris s'oppose désormais celui des « jardins naturels », ou plutôt, comme le dit joliment Martine Bergues, des jardins « au naturel », car ils sont souvent assez sophistiqués et témoignent d'une recherche de la rareté qui n'est pas exempte de snobisme. Ils sont l'œuvre de passionnés de plantes qui appartiennent à ce même milieu de classe moyenne cultivée où se recrutent de manière privilégiée les militants des associations de protection de l'environnement et du patrimoine végétal. Ces jardiniers-là, par ailleurs fervents partisans de la gestion écologique, ne sont encore qu'une minorité et le modèle du jardin fleuri reste dominant. Il n'empêche que le vent tourne et que le C.N.F.F. lui-même a dû réviser ses normes. Devenu en 2001 Conseil national des villes et villages fleuris (C.N.V.V.F.), il promeut désormais « le nouveau fleurissement », tout en prenant acte de l'importance quantitative du « fleurissement traditionnel ». Dans les nouvelles règles préconisées dans les concours, les vivaces ou les graminées sont préférées aux annuelles, les camaïeux subtils aux coloris voyants, l'aspect libre et « paysager » à la profusion de plantes en pots.
De tous les changements qui ont marqué ces[...]
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Écrit par
- Françoise DUBOST : directrice de recherche honoraire au C.N.R.S.
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