JARDINS Sciences et techniques
Le tracé
Cette maîtrise, impliquant notamment le calcul des mesures, l'emploi du plan comme de la coupe et le maniement des échelles, intervient en effet tout au long du processus de « mise en espace » du jardin dans un va-et-vient entre le terrain et le papier, depuis le levé topographique par arpentage (évaluation des superficies) et nivellement (évaluation des différences de hauteurs), jusqu'au report du projet dessiné sur le sol. Toutes ces étapes, faisant appel à la géométrie, se perfectionnent au cours du xviie siècle, notamment grâce à des instruments mathématiques de plus en plus précis (compas, équerre, niveau...), fondés sur la proportion entre longueurs et angles. Le niveau à lunette mis au point par l'abbé Jean Picard, membre de l'Académie des sciences, est employé lors du creusement du Grand Canal de Versailles. Assimilée à une application de l'optique, la perspective permet à Le Nôtre d'élaborer des ordonnancements réguliers conçus pour être idéalement observés depuis un certain point de vue, à la manière d'une anamorphose d'échelle kilométrique, comme la Grande Terrasse de Saint-Germain-en-Laye.
C'est une culture technologique commune que partagent les créateurs de jardins et les aménageurs du territoire tels que les membres du corps des Ponts et Chaussées, institué en 1716 pour s'occuper des voies de circulation du royaume. Au siècle des Lumières, l'ambition globale des ingénieurs, – réguler les flux naturels et humains au moyen des édifices et des infrastructures et selon une conception plus dynamique que hiérarchique de l'espace –, trouve un équivalent dans le soin apporté à la disposition des chemins et des fabriques au sein des jardins pittoresques. À Wörlitz, commencé en 1764 par le prince d'Anhalt-Dessau, le réseau sinueux des circulations (allées et canaux) ménage ainsi une centaine d'axes visuels, souvent cadrés par des échappées entre des groupes d'arbres et idéalement saisis depuis les multiples ponts qui jalonnent le parc, qui composent une sorte de catalogue allant de l'archétype romain au prototype de la construction métallique.
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Écrit par
- Hervé BRUNON : chargé de recherche au C.N.R.S., centre André-Chastel, Paris
- Monique MOSSER : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles
Classification
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