JARDINS Sciences et techniques
Du chantier à l'entretien
La mise en œuvre du jardin ne s'arrête pas avec l'achèvement du chantier mais se poursuit constamment à travers les opérations d'entretien, puisqu'il n'existe pas de jardin sans jardinage. C'est grâce aux gestes rituels du jardinier que se pérennise un espace en perpétuel devenir, soumis au cycles végétaux à travers les saisons et les années, dans lequel s'inscrit la temporalité du vivant. Jusqu'à ce que la mécanisation s'impose, la gestion d'un domaine d'importance pouvait requérir une main d'œuvre considérable : les Rothschild employaient vers 1890 une cinquantaine de jardiniers à Ferrières (Seine-et-Marne), où 300 000 plantes étaient produites chaque année pour les corbeilles et massifs du parc.
La maîtrise du végétal évolue en fonction des progrès de la biologie et de l'agronomie – le procédé du « mur végétal » breveté par le botaniste Patrick Blanc en 1988 résulte par exemple de ses observations sur les plantes qui colonisent des supports verticaux sans sol en milieu naturel –, mais aussi des améliorations de l'outillage. Grâce à la mise au point du sécateur en France dans la première moitié du xixe siècle, la maîtresse de maison peut aller cueillir elle-même ses fleurs ; le jardinage se transforme alors en passe-temps : l'invention d'instruments accompagne ainsi de nouvelles pratiques. Tandis que les surfaces enherbées (« tapis verts ») étaient jusqu'alors diversement semées, comportant fréquemment des plantes fourragères, et simplement fauchées, l'apparition de la tondeuse à lame hélicoïdale en Angleterre favorise dès 1830 la généralisation des pelouses uniformes de gazon, évolution ultérieurement entraînée par la motorisation de la coupe, l'élaboration par les grainetiers de mélanges spéciaux de graminées à base de ray-grass anglais, la mise en place de systèmes d'arrosage sous pression et le développement des engrais et herbicides par la chimie industrielle. Ce modèle de gestion intensive est remis en cause depuis les années 1990 par les partisans d'une « gestion différenciée » suivant des principes écologiques, qui ne traite pas tous les espaces avec la même intensité de soin et préserve la biodiversité, privilégiant par exemple la prairie fleurie. Du choix des végétaux les mieux adaptés à la suppression des produits phytosanitaires, il s'agit d'appliquer au mieux les connaissances environnementales afin de « coopérer » avec la nature. Le jardinier cesse aujourd'hui d'être un humble exécutant pour redevenir le co-auteur d'un lieu et l'entretien, condition incontournable de la durabilité du jardin, devient chez certains paysagistes tel Pascal Cribier une donnée fondatrice du projet.
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Écrit par
- Hervé BRUNON : chargé de recherche au C.N.R.S., centre André-Chastel, Paris
- Monique MOSSER : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles
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