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HEIFETZ JASCHA (1899-1987)

Admiré beaucoup et beaucoup diffamé

Le premier concert de Jascha Heifetz à Carnegie Hall, le 27 octobre 1917, est bien plus qu'une nouvelle victoire, bien plus que la concrétisation des étourdissants débuts d'un virtuose international ; c'est le véritable acte d'adoption d'un tout jeune homme par un peuple avec lequel il va totalement s'identifier. Bientôt sa famille le rejoint et il prend, en 1925, la nationalité américaine. Il se marie deux fois et deux fois il divorce. On le voit devenir vedette de films dont il est l'unique attraction. Bref, il devient plus américain que ces Américains qui ont fait de lui leur idole.

Fritz Reiner - crédits : Keystone/ Getty Images

Fritz Reiner

Sa carrière ne connaît guère que des succès éclatants. À chaque apparition publique, on crie au miracle devant la pureté et la perfection de son jeu. Il se produit avec les plus grands chefs, Münch, Beecham, Toscanini, Koussevitzky – avec qui il donne la première américaine du Deuxième Concerto pour violon de Prokofiev et en réalise, le 20 décembre 1937, le premier enregistrement mondial –, Reiner, Monteux, Sargent. Il donne des concerts dans le monde entier, jusqu'en Palestine et en U.R.S.S. (1934). Au cours des années 1950, il se consacre à la musique de chambre et, une fois encore, choisit les partenaires les plus prestigieux : Arthur Rubinstein, Leonard Pennario, William Kapell ou Benno Moiseiwitsch (piano), William Primrose (alto), Gregor Piatigorsky ou Emanuel Feuermann (violoncelle). Il écrit des cadences pour le Quatrième Concerto pour violon de Mozart ainsi que pour ceux de Beethoven et de Brahms. Il transcrit et adapte pour son instrument plus de 250 pièces dans un style souvent proche, hélas !, de la « musique de genre » qui sévissait tant à l'époque

Jascha Heifetz - crédits : Spencer Shier/ Hulton Archive/ Getty Images

Jascha Heifetz

À la différence d'un Yehudi Menuhin ou d'un Joseph Szigeti, qui se feront les ardents défenseurs des audaces d'un Bartók, d'un Stravinski ou d'un Berg, Heifetz ne s'aventure – et bien timidement encore – que chez Kodály, Chostakovitch et Prokofiev. En cela il s'identifie à une ombrageuse Amérique, rétive devant les récentes créations européennes, et qui trouve son bonheur dans l'exploitation des recettes éprouvées du système tonal et de l'esthétique romantique. Son royaume reste le grand répertoire concertant (Beethoven, Brahms, Tchaïkovski, Mendelssohn, Sibelius) et, plus encore peut-être, la musique du néoromantisme finissant. Après les concertos de Bruch, Glazounov ou Vieuxtemps, dont la popularité est loin d'être imméritée, on le voit se passionner pour des œuvres d'un intérêt parfois moins évident, comme les concertos d'Anton Arenski, de Julius Conus, d'Edward Elgar, de Louis Spohr, ou encore ceux de Miklós Rózsa (1954), de Erich Wolfgang Korngold (1945), de Louis Gruenberg, de William Walton (1939, commande de Heifetz lui-même) et de Mario Castelnuovo-Tedesco (le deuxième), partitions dont il est le dédicataire. Après son deuxième divorce, en 1963, Jascha Heifetz vit en solitaire dans une maison perchée au-dessus de Beverly Hills. La soixantaine bien entamée, il ralentit enfin ses activités. Ses derniers concerts en France datent de 1971 (deux récitals et une soirée avec l'Orchestre national de France), sa dernière apparition publique de 1973. À soixante-quatorze ans, il range ses deux précieux instruments : le fameux Guarnerius del Gesù de 1742 qui avait appartenu à Ferdinand David (le créateur du Concerto de Mendelssohn) puis à Pablo de Sarasate, et un très beau Stradivarius de 1731. Depuis 1959, il se consacrait à l'enseignement. On ne lui connaît cependant qu'un petit nombre d'élèves : essentiellement l'Américain Erick Friedman et le Français Pierre Amoyal. Après soixante-cinq ans de vie musicale, celui qui fut probablement – du rudimentaire cornet acoustique à la moderne stéréophonie – l'artiste le plus enregistré au monde meurt à[...]

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Fritz Reiner - crédits : Keystone/ Getty Images

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Jascha Heifetz - crédits : Spencer Shier/ Hulton Archive/ Getty Images

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