CERCAS JAVIER (1962- )
Javier Cercas est né à Ibahernando (province de Cáceres, en Estrémadure), en 1962. Dès sa plus jeune enfance, il abandonne cette région pour la Catalogne qui deviendra pour lui une terre d’adoption. Après des études à l’Université autonome de Barcelone (Universitat Autònoma de Barcelona) et l’obtention d’un doctorat en philologie espagnole, il enseigne pendant deux ans à l’université de l’Illinois aux États-Unis, avant de devenir professeur de littérature espagnole à l’université de Gérone. À la fois romancier, essayiste, chroniqueur et traducteur, Javier Cercas aime à convoquer des fragments de l’histoire, notamment celle de la guerre civile espagnole ou de la transition démocratique qui suit la mort de Franco. Il ne choisit pas une démarche d’historien, mais cherche à cerner au plus près les méandres de l’âme humaine. Ici, la relecture du passé tente d’élucider le présent.
En 1987, Javier Cercas publie sa première œuvre, El móvil, composée initialement de cinq textes, dont un seul sera réédité en 2003 : il s’agit du récit éponyme « El móvil ». Exploitant le procédé de la « mise en abyme » Javier Cercas y met en scène la figure de l’écrivain Álvaro. À son tour, celui-ci devient l’auteur d’un texte sur un écrivain ; des liens se tissent entre le premier niveau de la fiction et le second, jusqu’à se confondre et s’entremêler autour de l’histoire d’un crime. L’acte d’écriture, qui se mue en objet d’étude sous la plume de Cercas, est sans cesse remis en question et finement analysé en même temps qu’il donne naissance à l’intrigue et aux personnages.
Ses propres réflexions ou ses obsessions de professeur écrivain, sa connaissance du microcosme universitaire constituent pour Cercas des sources d’inspiration récurrentes dans les trois romans qui suivent : El inquilino (1989, À petites foulées), El vientre de la ballena (1997) et La velocidad de la luz (2005, À la vitesse de la lumière). Dans la première œuvre, aux accents kafkaïens, El inquilino, le protagoniste Mario Rota, un chercheur italien spécialiste de philologie, se voit progressivement supplanté, au sein de l’université texane qui l’accueille, par un autre chercheur Daniel Berkowicz. Tout commence par un petit accident sans gravité – le protagoniste se foule la cheville –, mais cet épisode anodin sera à l’origine de profonds bouleversements dans son existence. Javier Cercas brosse le portrait d’un être apathique et déchu, tout en nous offrant une radiographie du milieu universitaire avec ses disfonctionnements, notamment les dangers que présente une compétitivité acharnée. En 1997, Cercas ancre à nouveau la trame de son roman El vientre de la ballena au cœur du monde universitaire. Mais, cette fois-ci, il s’agit de l’Université autonome de Barcelone. Comment ne pas relever, dès lors, ce besoin de dévoiler et de masquer tout à la fois, ce jeu entre biographie, réalité et fiction, qui sont autant d’éléments propres à créer une connivence entre Cercas et ses lecteurs. El vientre de la ballena fait du narrateur et protagoniste Tomás, chercheur en littérature espagnole, un nouveau Jonas, en proie au tourment et à la confusion, après sa rencontre avec la belle Claudia, son amour de jeunesse. Au seuil du roman, les retrouvailles de ces deux personnages devant le cinéma Casablanca, où l’on projette le film de Fritz Lang La Femme au portrait(1944), ne semblent point fortuites, et le roman de Cercas s’imprègne de cette atmosphère aux confins du fantastique, notamment dans le second chapitre où s’entrecroisent les scènes qui appartiennent à la réalité et les visions cauchemardesques du narrateur.
C’est également sur une toile de fond universitaire que se déroule le roman La velocidad de la luz. Cette fois, l’auteur met en scène son double fictionnel, un professeur assistant qui aspire à devenir écrivain[...]
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Écrit par
- Corinne CRISTINI : maître de conférences à la faculté des lettres, Sorbonne université
Classification
Média
Autres références
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- Écrit par Jean CASSOU , Corinne CRISTINI et Jean-Pierre RESSOT
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...adolescence dans les rues de Barcelone de l'après-guerre ; ses mêmes réminiscences peuplent Caligrafía de los suenos (Calligraphie des rêves, 2011). Quant à Javier Cercas, consacré en 2001 avec Soldados de Salamina (Soldats de Salamine) porté à l'écran par David Trueba, il poursuit dans la veine de la fiction...