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MARÍAS JAVIER (1951-2022)

Né à Madrid le 20 septembre 1951, Javier Marías est le fils de l’écrivaine et professeure Dolores Franco Manera (1912-1977), et du philosophe et sociologue espagnol, disciple de José Ortega y Gasset, Julián Marías Aguilera (1914-2005), qui fut dénoncé durant la guerre civile espagnole, incarcéré pendant quelques mois, et ne put mener sa carrière universitaire dans l’Espagne franquiste. Une partie de l’enfance de Javier Marías se déroule donc aux États-Unis, ce qui peut expliquer la forte influence de la culture anglo-saxonne dans son œuvre.

Javier Marías - crédits :  Leonardo Cendamo/ Getty Images

Javier Marías

Romancier, traducteur, auteur de récits brefs et d'articles de presse, Javier Marías est un écrivain cosmopolite qui se distingue par son rapport intime à la langue, par une pensée profonde qui prend la forme d'incises à l'intérieur du récit, et par les méandres d'une écriture qui progresse en spirale. Sous une plume d'une grande finesse se profilent les ombres de Shakespeare, Joseph Conrad, Laurence Sterne, William Faulkner, Vladimir Nabokov, mais aussi celle de l'écrivain espagnol Juan Benet, qui symbolisa une nouvelle forme d'expression narrative dans une Espagne encore franquiste. Son œuvre puise également ses sources dans l’univers cinématographique que le romancier convoque fréquemment, d’autant que le cercle familial comprend également des cinéastes, à savoir son oncle, Jesús Franco Manera, ainsi qu’un de ses cousins, Ricardo Franco Rubio. Membre de l’Académie royale espagnole d’avril 2008 jusqu’à sa mort, Javier Marías est l’auteur d’une œuvre mondialement reconnue.

Une exploration du temps intérieur

En 1971, à l'âge de dix-neuf ans, il commence sa carrière littéraire avec un roman, Los dominiosdellobo, dont l'action se déroule aux États-Unis, et qui se veut autant une parodie qu'un hommage au cinéma hollywoodien des années 1940-1950. Outre ce que suggère El monarcadeltiempo (1978), œuvre composite qualifiée de roman par l'auteur lui-même et qui invite implicitement le lecteur à une réflexion sur l'histoire et sur la relation entre la vérité du discours et son rapport au présent, les premiers signes d'historicité disséminés concernant cette fois-ci l'Espagne se retrouvent, en 1983, dans El siglo. Par un effet d'ombre et de lumière, c'est à partir de Lisbonne que se dévoile l'image de l'Espagne, avec l’évocation incontournable de la guerre civile. Chacun des chapitres met en évidence une vie vouée à l'échec. Ce decrescendo caractérise la trajectoire de Casaldáliga, antihéros frustré devenu délateur à la fin de la guerre. En se dotant d'un caractère plus intimiste, El hombre sentimental (1986 ; L’Homme sentimental, 2006) marque un tournant dans l'écriture de Javier Marías. Ce roman dans lequel l'amour ne se vit pas mais se rêve, se remémore ou s'anticipe, nous révèle dans quel temps a choisi de s'installer l'auteur : le temps de l'écriture, entre la fiction à venir et l'expérience définitivement achevée, entre le « pas encore » et le « déjà plus ».

C'est en 1992 avec Corazón tan blanco (Un cœur si blanc, 2004), qui connaît un réel succès en France et en Allemagne, que Javier Marías reçoit véritablement la consécration. Ce roman, qui repose sur la récurrence, nous rappelle que chez cet écrivain la résurgence d'images, la répétition d'idées et de phrases, loin d'être fortuites, correspondent à sa perception particulière du temps, en rendant cohérente la structure du roman. Le temps n'est plus linéaire mais cyclique. L'œuvre interroge aussi le pouvoir de la parole dans le temps, le dit et le non-dit. S'il est un trait caractéristique de l'écriture de Javier Marías, c'est bien ce discours intérieur du narrateur qui vient se greffer au récit et semble le retarder, alors même qu'il lui confère de nouvelles résonances. [...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à la faculté des lettres, Sorbonne université

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Javier Marías - crédits :  Leonardo Cendamo/ Getty Images

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