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DELUC JEAN-ANDRÉ (1727-1817)

La géologie de Deluc

Sa pensée géologique est surtout connue par ses lettres, publiées ensuite en recueils. Ainsi, les Lettres physiques et morales[] sur l’histoire de la Terre et des hommes,adressées à la Reine de la Grande Bretagne de 1774 à 1779 et publiées en cinq tomes de 1778 à 1779 exposent une première cosmologie. Celle-ci sera ensuite modifiée, comme le montrent ses trente lettres à Delamétherie parues dans la revue Observations sur la physique… de 1790 à 1793 ; puis reliée au récit biblique dans les sept Lettres géologiques à Blumenbach.

Deluc y développe sa théorie géologique la plus aboutie, accordant pensées géologique et théologique. Les lettres à Blumenbach écrites entre 1792 et 1795 sont rassemblées en un recueil publié en 1798 sous un titre évocateur : Lettres sur l’histoire physique de la Terre adressées à M. le professeur Blumenbach renfermant de nouvelles preuves géologiques et historiques de la mission divine de Moyse. Deluc y égrène point par point une géologie qu’il essaie de faire cadrer avec le récit biblique. Sa théorie n’est pas « gratuite » mais appuyée sur des faits observés lors de ses voyages et détaillés dans ses lettres préliminaires. Deluc partage donc l’histoire de la Terre en six périodes qu’il fait correspondre aux six jours de la Création, devenant ainsi, pour lui, des périodes de temps indéterminées.

Selon Deluc, les continents sont composés d’une succession de couches qui se sont toutes déposées par précipitation dans un liquide. Cet aspect de sa théorie rejoint la théorie d’ Abraham Gottlob Werner, le neptunisme : le liquide primordial de Deluc est un océan recouvrant la Terre, de composition chimique différente de celle des océans actuels et dans lequel précipitent successivement les couches – des couches primitives cristallophylliennes comme le « granit » aux couches de la craie. À chaque couche, la composition de l’océan change. Ainsi, la surface de la Terre change et les « causes actuelles » ne peuvent expliquer les événements passés, dont les causes primitives (comme la composition chimique) n’existent plus. De la sorte, tout en étant le premier à parler de causes actuelles, il utilise ce terme pour en nier les effets dans le passé. Il s’oppose ainsi à l’idée émergente de l’actualisme qui affirme que les causes actuelles ont toujours été en œuvre y compris dans le passé, théorie développée plus tard par Charles Lyell.

Les montagnes résultent alors de l’affaissement des couches déjà formées, dans des cavités. Elles en seraient ainsi les bords, restés à l’ancien niveau. Une succession d’effondrements a donc modelé la surface de la Terre. Cette théorie est à l’opposé de la théorie novatrice que James Hutton développe à la même période et selon laquelle les montagnes résultent, au contraire, de soulèvements provoqués par un feu souterrain.

Les premiers êtres vivants, des animaux marins, apparaissent à sa cinquième période. Les « dépouilles » de ces animaux, ensevelies dans les couches, donnent les fossiles ; Deluc est l’un des premiers à raconter en parallèle l’histoire des êtres vivants et celle des couches, « deux histoires collatérales ». Les couches les plus anciennes ne contiennent donc pas de vestiges d’animaux. Dans les couches plus jeunes, Deluc observe qu’à chaque changement de leur nature des différences dans les espèces apparaissent, qu’il attribue aux variations du liquide de la mer où elles vivaient. Les animaux terrestres apparaissent au cours de sa sixième période. L’origine de la vie est un mystère mais, dès lors, tout être vivant provient d’un autre être vivant. Observant les changements de faune – mais très opposé à l’idée de génération spontanée –, Deluc suggère que des êtres ont pu « changer d’apparence extérieure au point de paraître de nouvelles espèces ». L’idée de transformation des espèces, qui reste sans nom, est[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'université, historienne des sciences, chercheuse associée au Centre François Viète, université de Nantes

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Hygromètre à fanon de baleine de Deluc - crédits : Philippe Wagneur/ Muséum de Genève

Hygromètre à fanon de baleine de Deluc

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