ARP JEAN (1887-1966)
La sculpture
Son œuvre sculpté est abondant : il n'y a pas de périodes délimitées, plutôt des variations sur des thèmes auxquels l'artiste est revenu à plusieurs reprises : concrétions, torse, seuil, constellation... Des formes rondes et lisses, d'une sensuelle éloquence, procèdent d'une vision synthétique proche de la forme pure désirée par Brancusi et opposée à l'esthétique analytique du cubisme. Toutefois, Brancusi extrait par transposition et décantation, d'un objet naturel, la forme de ses créations ; souvent, chez Arp, c'est une sculpture. L'artiste, attentif aux tendances que son œuvre peut manifester, s'attache à les favoriser. La forme devient ainsi plus indépendante de son créateur, et plus facilement confondue avec les phénomènes terrestres. « Mes reliefs et mes sculptures s'intègrent naturellement à la nature. » Arp a même créé, à un moment, des œuvres que l'on pourrait perdre dans la forêt, confondre avec les pierres et les galets. Dans cette tentative d'imiter l'anonymat du phénomène naturel, on retrouve la même intention qui motivait ses premières œuvres, celle de ne plus assigner à l'homme la première place dans la nature.
Les Concrétions imposent sa vision d'une nature inorganisée, en pleine gestation ; par ces masses telluriques, le sculpteur cherche à remonter jusqu'aux origines du monde et de la vie. Coquille (1938) évoque les phénomènes naturels de convergences dynamiques qui engendrent les cristallisations. Cette intuition nouvelle de la vie gestative est suggérée dans la sculpture par la grande mobilité des profils, par les surfaces ondoyantes. Mais les formes originelles ignorent le monstrueux : le sculpteur veille à l'harmonie entre les volumes, entre les surfaces. C'est même selon la rigoureuse loi de symétrie que se développent les formes de la série des Ptolémée (1950-1960).
« Les pierres sont tourmentées comme la chair. Les pierres sont des nuages... » (L'air est une racine, 1933). La douceur des courbes, la continuité des surfaces lisses, la subtilité des passages entre les plans tempèrent la brutalité de l'inspiration tirée de la substance informe. Plus encore dans des sculptures d'une sérénité rayonnante, inspirée par la haute Antiquité méditerranéenne (Idole, 1950 ; Figure mythique, 1950 ; Thalès de Milet, 1951), Arp s'attache à une certaine beauté et clarification de la forme. En revanche, un bestiaire de caractère onirique, apparu en 1938, est l'occasion d'une plus grande complexité : Animal de rêve (1947), Buste de lutin (1949), La Sirène (1942) appartiennent à un monde d'êtres hybrides, engendrés par la plus capricieuse des fantaisies. Arp a su également combiner, dans Géométrique-Agéométrique 1942), la forme organique avec la forme géométrique.
De l'interpénétration des formes végétales, animales, minérales et humaines naît, dans l'œuvre sculpté d'Arp, un monde marginal extrêmement suggestif par les potentialités qu'il renferme, un monde de passage, qu'évoque le titre d'une œuvre Interregnum (1949).
Grand prix international de sculpture de la biennale de Venise en 1954, Arp a exécuté en 1950 un relief monumental pour le Graduate Center de l'université Harvard de Cambridge, et des sculptures monumentales pour la cité universitaire de Caracas (1953), pour l'université de Bonn (1961) et pour l'école des Arts et Métiers de Bâle (1963). Créée à Clamart en 1979, la fondation Arp est abritée dans la maison-atelier conçu par Sophie Taeuber.
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Écrit par
- Anne BOÉDEC : diplômée d'études supérieures de philosophie
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