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BALLADUR JEAN (1923-2002)

Jean Balladur est né le 11 mai 1924 à Smyrne (actuelle Izmir en Turquie). Il entreprend en 1943 des études de lettres supérieures au lycée Condorcet à Paris, où Jean-Paul Sartre est l'un de ses professeurs. Mais il décide de se tourner vers l'architecture, dans laquelle il voit la « forme éminente d'une évocation de l'Esprit dans l'apparence du monde vécu ». Admis à l'École des beaux-arts en 1945, il intègre l'atelier de Roger-Henri Expert et obtient son diplôme en 1953. Il devient alors l'associé de l'architecte Benjamin Lebeigle, chez qui il travaillait depuis 1949. Mais ses liens avec Sartre se sont maintenus pendant quelques années et la revue Les Temps modernes le publiera à trois reprises : « Le Dedans et le dehors » (1949), « Un architecte romantique : Frank Lloyd Wright » (1955) et « Urbanisme et démocratie » (1956).

Avec Lebeigle et Jean-Bernard Tostivint – qui deviendra son principal associé –, Jean Balladur signe en 1958 un bâtiment qui le fait rapidement connaître : l'immeuble de bureaux de la Caisse centrale de réassurance, rue de la Victoire à Paris, l'un des premiers immeubles construits avec une ossature entièrement en acier et des murs-rideaux en façades. Si le choix des matériaux et l'organisation du bâtiment (espace modulable grâce à l'absence de tout point porteur intérieur) annoncent une génération d'immeubles de bureaux, les formes dessinées par Balladur trahissent un style personnel. Plus proche du lyrisme de Le Corbusier que du rigorisme de Raymond Lopez ou de Jean Dubuisson, Balladur s'inspire ici de l'architecture des paquebots : la pointe du bâtiment, en porte-à-faux sur un pilotis, évoque la proue d'un bateau, tout comme les garde-corps font songer à des bastingages et le dernier niveau à une cabine de pilotage.

Avec l'immeuble de la Fondation Curie (1958-1962), rue d'Ulm, à Paris, Jean Balladur s'abstient de toute recherche formelle spécifique. En retrait par rapport à la rue, mais desservi par un avant-corps en rez-de-chaussée, le bâtiment principal de sept étages se présente comme un simple parallélépipède ; il se distingue cependant par un grand raffinement dans la mise en œuvre des matériaux. La villa que construit Balladur en 1964 à Chantilly, comme le centre commercial de Massy-Antony (1959) ou les nombreux collèges d'enseignement secondaire qui lui sont confiés (à Toulouse, Bordeaux, Nantes, etc.) témoignent pour leur part de son intérêt pour l'œuvre de Mies van der Rohe. Balladur refuse toutefois de se laisser enfermer dans un cadre stylistique rigide ; au sein du Syndicat des architectes de la Seine (S.A.S.), dont il assure la présidence de 1959 à 1962, il milite ainsi, au côté de Georges-Henri Pingusson, pour une plus grande liberté d'action de l'architecte.

C'est précisément d'une liberté quasi totale qu'il jouira à la Grande-Motte. Intégrée dans le plan d'aménagement touristique de la région Languedoc-Roussillon, la création de cette véritable ville nouvelle balnéaire constitue, depuis les premières études en 1964 jusqu'à la livraison d'une ultime villa en 1991, le plus important chantier de l'architecte. Sur un plan-masse qui se détourne résolument de celui des stations balnéaires du xixe siècle, Balladur conçoit un ensemble organique, dosant savamment le rapport entre bâti et espace public, végétal et minéral, intégrant ainsi de manière nouvelle l'architecture au paysage. Ce dernier est d'ailleurs, pour l'essentiel, créé de toutes pièces ; l'empreinte de l'architecte ou de l'artiste (les sculpteurs Michèle Goalard, Albert Marchais, Joséphine Chevry) est partout présente. Adepte de la construction métallique, Balladur découvre à la Grande-Motte les vertus poétiques du béton : le Grand Pavois (1968), la Grande Pyramide (1974),[...]

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Écrit par

  • : professeur, université de Picardie Jules-Verne

Classification

Autres références

  • URBANISME - L'urbanisme en France au XXe siècle

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    • 10 204 mots
    • 3 médias
    ...n'auraient pas à composer avec le passé. Entièrement maîtres du sol, architectes et urbanistes y ont bénéficié d'une liberté de conception exceptionnelle. C'est dans ces conditions que Jean Balladur a conçu, jusque dans ses moindres détails, La Grande-Motte : se détournant résolument du schéma des stations...