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CARPEAUX JEAN-BAPTISTE (1827-1875)

<it>Le Triomphe de Flore</it>, J.-B. Carpeaux - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Le Triomphe de Flore, J.-B. Carpeaux

L'œuvre de Jean-Baptiste Carpeaux, né en 1827 à Valenciennes et mort en 1875 à Courbevoie, sculpteur et à l'occasion peintre, couvre à peine plus de vingt ans – approximativement le second Empire. En s'adonnant simultanément à plusieurs genres, il rompit une hiérarchie traditionnellement acceptée en sculpture, associant plusieurs styles considérés comme incompatibles. Le mouvement néoclassique avait consacré, au début du xixe siècle, l'image du « statuaire » assujetti au culte de la « statue » et du « monument », attiré avant tout par le marbre et l'exécution lisse et parfaite, dédaigneux de suggérer le cheminement de l'expérience créatrice, soumettant le « faire » à l'idée. Carpeaux modifia cette image en réhabilitant le « sculpteur ». Pour lui, les hésitations de l'artiste sont déjà créatrices ; dans la manipulation de la matière – terre ou plâtre – création et pensée vont de pair, souvent même la création précède la pensée. Cet accent mis sur le « faire » valorisera des techniques, des formes et des styles bannis avant lui.

Ce renversement de valeurs affirmées au début du siècle par l'idéalisme néo-classique avait été pressenti aux environs de 1830 par des sculpteurs en marge, particulièrement Barye et Préault : de ces valeurs nouvelles, Carpeaux fera les inspiratrices de son art.

Contre l'art officiel

C'est dans un climat fort distinct de l'art de son temps et ouvert à l'influence des peintres du début du siècle – Gros, Géricault, Delacroix – que s'élabore l'art de Carpeaux : il s'y ajoute, formation peu commune en cette première moitié du xixe siècle, la leçon des peintres et sculpteurs français et flamands des xvie, xviie et xviiie siècles. De telles références éclairent les conflits qui opposèrent Carpeaux à l'art officiel de son temps, et cela dès son séjour à Rome après qu'il eut en 1854 obtenu le grand prix. Le choix que Carpeaux fait – en dépit des règlements de l'Académie – d'un sujet « moderne » pour son morceau d'envoi, l'épisode de l'agonie d'Ugolin (Divine Comédie, « Enfer », chant XXXIII), montre clairement l'intérêt du sculpteur pour les thèmes qui expriment le tragique humain et la souffrance de l'individu pris dans une société qui le rejette. L'Ugolin monumental, exposé au Salon de 1863, exprime le pathétique de la condition humaine, auquel Carpeaux restera toujours très sensible. Un grand nombre d'œuvres de petit format, souvent restées à l'état de projet ou d'esquisse, reprennent ce thème.

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Californie, Berkeley (États-Unis)

Classification

Média

<it>Le Triomphe de Flore</it>, J.-B. Carpeaux - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Le Triomphe de Flore, J.-B. Carpeaux

Autres références

  • RÉALISME (art et littérature)

    • Écrit par et
    • 6 499 mots
    • 4 médias
    ...C'est que, privée de thèmes idéalistes, la sculpture donne l'impression de la banalité. Les enfants chagrinés de Cecioni, les petits pêcheurs folâtres de Carpeaux et de Gemito, les groupes de John Rogers semblent d'une structure trop compliquée pour les thèmes apparemment insignifiants qu'ils proposent....
  • RODIN AUGUSTE (1840-1917)

    • Écrit par
    • 4 661 mots
    • 7 médias
    ...une formation professionnelle exemplaire : Legros, Cazin ou Dalou entre autres. Dans ses écrits, Rodin évoque la qualité de cette école avec insistance. Carpeaux, qui fut pour peu de temps répétiteur de modelage à l'École spéciale, corrigea ses premiers essais de sculpture. Rodin suivit aussi les cours...