ARGENS JEAN-BAPTISTE DE BOYER marquis d' (1704-1771)
Cet écrivain et philosophe, originaire de la Provence (il est né à Aix), déiste et ami de Voltaire, parfait représentant du siècle des Lumières, lutta toute sa vie contre l'obscurantisme. Une anecdote raconte que, lors d'une dangereuse tempête, les passagers du navire se mirent à réciter des prières tandis que le marquis d'Argens poursuivit calmement sa lecture des Pensées diverses de Pierre Bayle. D'Argens était un fervent lecteur de Bayle et contribua à rendre célèbre son Dictionnaire historique et critique en plein xviiie siècle. On n'entrera pas dans les détails des aventures de sa vie tumultueuse, évoquées dans ses Mémoires, on peut cependant mentionner ses missions diplomatiques en Afrique du Nord et en Turquie, où il fit scandale avec sa « belle Algérienne » et sa tentative de pénétrer dans la mosquée Sainte-Sophie lors d'une cérémonie religieuse. C'est au cours d'un de ses voyages qu'il fit la connaissance d'un juif nommé Fonséca, qui deviendra Aaron Monseca dans ses Lettres juives (1736). On ne saurait oublier qu'il fut l'un des premiers écrivains de l'Occident à traiter le peuple juif avec respect — ce qui le distingue de son ami Voltaire, dont l'analyse simpliste du peuple d'Israël n'a jamais servi la cause de la tolérance. Les Lettres juives ont, d'ailleurs, permis à Voltaire de faire la connaissance d'Argens, mais les raisons de cette rencontre sont plus complexes : elle remonte à l'époque de la querelle entre Voltaire et le poète Jean-Baptiste Rousseau, à l'occasion de laquelle le marquis d'Argens prit le parti de Voltaire. Tous deux admiraient profondément la Chine, suivant en cela une tradition qui remonte à La Mothe Le Vayer et qui considère le confucianisme comme le véritable ennemi de la superstition. Les Lettres chinoises (1739), grande œuvre de la littérature française, se distinguent nettement des autres lettres exotiques de l'époque et ont leur place à côté d'œuvres majeures telles que les Lettres persanes.
Le génie d'Argens — connu également pour la Philosophie du bon sens (1737) et les Mémoires secrets de la république des lettres (1737) — attira bien vite l'attention du grand empereur du siècle des Lumières, Frédéric le Grand, qui l'appela à sa cour. D'Argens s'y trouva en célèbre compagnie, entouré de Francesco Algarotti, de Pierre Maupertuis et de Voltaire.
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Écrit par
- Joël SHAPIRO : chargé de cours à l'université de Paris-III (littérature comparée)
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