LULLY JEAN-BAPTISTE (1632-1687)
L'œuvre et le personnage de Lully dominent largement l'histoire de la musique française de la seconde moitié du xviie siècle. Malgré la présence de musiciens de premier plan tels que Marc Antoine Charpentier, c'est lui qui non seulement influe, de la manière la plus forte, sur la musique dramatique de son temps, mais qui fixe pour un siècle les destinées de la musique française et, par-delà, influence certains moments importants de l'art européen.
Les rivalités qu'il a suscitées de son vivant, comme le mythe qui s'est édifié autour de sa personne après sa mort, ont longtemps faussé l'évaluation exacte de son génie, comme ils ont entraîné l'élaboration de multiples légendes déformant les perspectives et altérant les faits.
Lully représente un phénomène extraordinaire de l'histoire de la musique. Il est l'un des meilleurs témoins de l'histoire du xviie siècle français, de son goût, de sa sensibilité. Il porte en lui certaines des contradictions de son temps, une part de sa complexité – bien plus grande qu'on ne le croit. De là provient la difficulté que l'on éprouve à le juger : comment discerner ce qui relève de l'homme de ce qui ressortit au mythe ? Son arrivisme et son opportunisme sont-ils l'expression de l'odieuse volonté de puissance d'un personnage douteux que rien n'arrête, ou de l'admirable sens de l'adaptation d'un homme qui se coule dans son siècle avec tant de souplesse, qui en épouse les tendances, qui adhère si parfaitement à ses lignes de force qu'il se confond avec lui ?
Des débuts ambitieux
Giambattista Lulli naît à Florence en 1632, six ans avant Louis XIV. Son père, Lorenzo Lulli, est meunier (sur une gravure du temps, on aperçoit au bord de l'Arno, à l'emplacement probable de la demeure familiale, la roue d'un moulin). Sur son contrat de mariage, en 1662, Lulli écrira : « Fils de Laurent de Lully, gentilhomme florentin », mais les recherches d'Henry Prunières ont définitivement effacé cette légende. Il arrive à Paris à l'âge de quatorze ans, en 1646, amené par le chevalier de Guise pour le service de sa nièce, Mlle de Montpensier, la Grande Mademoiselle, cousine du roi, qui voulait apprendre l'italien. Il passe ses premières années parisiennes dans le milieu italianisant favorisé par Mazarin et, en 1653, entre officiellement à la cour, où il apparaît comme danseur dans le Ballet de la Nuit, à la composition duquel il a participé.
Sa première carrière est, en effet, à la fois celle d'un danseur, généralement bouffon, d'un violoniste et d'un compositeur de ballets. Toute sa production, à cette époque, est nettement italianisante. Son art chorégraphique semble inspiré par la commedia dell'arte, dont il joue lui-même les personnages (Scaramouche), tandis que ses compositions, avec paroles italiennes, sont d'un style nettement ultramontain : Ballet de l'Amour malade (1657), Ballet d'Alcidiane (1658), Ballet de la Raillerie (1659).
On ignore ce que peut être son style et sa technique du violon à cette époque. La création de la bande des « Petits Violons » peut laisser supposer que, dans ce domaine également, il se démarque du style français des « Vingt-Quatre Violons du roi ».
Pourtant, très vite, il assimile les caractéristiques du style à la française. Après avoir, avec humour, composé le « Dialogue de la musique française et de la musique italienne » du Ballet de la Raillerie, il compose des ballets de plus en plus amples et, contrairement à la tradition, y insère des pièces chantées dont il est l'auteur (Ballet des Saisons, 1661 ; Ballet des Arts, 1663 ; Ballet des Amours déguisés, 1664 ; Ballet de la Naissance de Vénus, 1665 ; Ballet des Muses, 1666 ; Ballet de Flore, 1669) ; la partie vocale se développe de[...]
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Écrit par
- Philippe BEAUSSANT : directeur de l'Institut de musique et danse anciennes de l'Île-de-France, conseiller artistique du Centre de musique baroque de Versailles
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