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ROUSSEAU JEAN-BAPTISTE (1671-1741)

Malgré un brillant début dans la carrière poétique, Rousseau eut une existence en grande partie malheureuse. Il était le fils d'un honnête cordonnier de Paris qui fit donner à ses enfants une éducation au-dessus de leur condition sociale. On l'accuse d'avoir rougi de ses origines. C'est un de ses traits d'orgueil qui le rendent peu sympathique à ses contemporains.

Il entre dans la carrière littéraire par des pièces de théâtre et de poésie. Nourri à l'école de Boileau, il se croit appelé à former, aux confins des deux siècles, la transition entre deux époques. En fait, son œuvre, où se mêlent alors odes religieuses et épigrammes obscènes, est empreinte d'une sorte de duplicité morale, caractéristique de la fin du règne de Louis XIV. À trente ans, il a une grande réputation littéraire, mais aussi un grand nombre d'ennemis que lui attire son caractère. En 1707, alors qu'il est candidat à l'Académie française, on fait courir sous son nom des couplets calomnieux contre plusieurs hommes de lettres. Il s'en défend, mais l'affaire s'envenime, et le parlement le juge coupable et le condamne au bannissement à perpétuité (1712). Obligé de s'enfuir, il erre misérablement en Suisse, à Vienne, à Bruxelles, en Angleterre (1721). Pendant son exil, il est protégé par le comte du Luc, ambassadeur de France en Suisse, auquel est dédiée son Ode à la Fortune, une de ses œuvres les plus connues :

  Fortune dont la main couronne   Les forfaits les plus inouïs,   Du faux éclat qui t'environne   Serons-nous toujours éblouis ?

En 1722, Voltaire, encore jeune alors, le rencontre à Bruxelles. Mais ils étaient faits pour ne pas s'entendre. Dans Le Temple du goût, Voltaire compare sa poésie au coassement d'une grenouille et ne cesse, dès lors, de s'acharner sur ses écrits, son caractère, sa vie. Revenu un moment à Paris (1738), Rousseau ne réussit pas à se faire réhabiliter et quitte de nouveau la France. Il meurt à Bruxelles, et son meilleur élève dans la poésie lyrique, Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, lui dédie son Ode sur la mort de J.-B. Rousseau (1742) :

  La France a perdu son Orphée...   D'une brillante et triste vie   Rousseau quitte aujourd'hui les fers ;   Et loin du ciel de sa patrie,   La mort termine ses revers.

Il fut apprécié de Fénelon, de Louis Racine. Outre ses poésies lyriques comprenant quatre livres d'Odes, deux livres d'Allégories et une vingtaine de Cantates — dont la cantate Circé, longtemps considérée comme un chef-d'œuvre —, il avait composé deux livres d'Épîtres, quatre d'Épigrammes et un de Poésies diverses. Il exhale, le plus souvent dans ses vers, ses amères désillusions :

  Ce monde-ci n'est qu'une œuvre comique   Où chacun fait des rôles différents.

Le « rôle » de ce Jean-Baptiste, que le jeune xviiie siècle tint longtemps (jusqu'à l'apparition de Jean-Jacques) pour « le grand Rousseau », ne s'achèvera pourtant point sur une note si « comique » : Victor Hugo, quand il n'est encore que « l'enfant sublime », en fait un de ses modèles favoris, et les grandes formes strophiques de la maturité hugolienne (celle des Mages, par exemple) conservent souvent la structure de l'ode de Jean-Baptiste Rousseau.

— Denise BRAHIMI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, professeure agrégée des Universités (littérature comparée), université de Paris-VII-Denis-Diderot

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