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BARRAQUÉ JEAN (1928-1973)

Le compositeur français Jean Barraqué réussit assurément à donner vie sonore à la définition qu'il donnait de son art : « La musique, c'est le drame, c'est le pathétique, c'est la mort. C'est le jeu complet, le tremblement jusqu'au suicide. » (« Propos impromptu », 1969). Mais, là où il réussit, il échoua, car, en considérant que la série était une idée musicale en soi, il voua son génie à une combinatoire complexe portant en elle-même l'impossibilité de l'achèvement. Reste la puissance d'une pensée qui voulut tout englober pour saisir l'essence de la musique : le développement. Et c'est peut-être parce qu'il y avait chez lui du Beethoven et du Schubert que Barraqué ne put atteindre à l'universalité d'une technique d'écriture qui aurait répondu à toutes les attentes de son siècle. Et c'est son échec aussi qui le grandit. De cette architecture en ruines, de ces fragments d'un Tout à jamais inatteignable, l'œuvre de Barraqué porte témoignage et, ce faisant, nous découvre son immense humanité.

L'inachèvement sans cesse

Jean Henri Alphonse Barraqué naît à Puteaux, près de Paris, le 17 janvier 1928. Enfant, il apprend le piano et prend conscience de sa vocation de compositeur en écoutant, au début des années 1940, un enregistrement de la Huitième Symphonie « Inachevée » de Schubert. Il ne laissera aucune trace de ses premiers essais de composition : un nocturne en ut dièse mineur pour piano, datant probablement de 1943, deux sonates pour piano et une symphonie (1945-1947), des mélodies, un chœur a capella, une sonate pour violon seul et une symphonie en ut dièse mineur (1948-1950). Ne subsistent de cette époque que trois mélodies sur des textes du Cantique des cantiques, de Baudelaire et de Rimbaud (1950), dont il tirera ultérieurement Séquence. De 1945 à 1947, il étudie en privé l'harmonie, le contrepoint et la fugue avec Jean Langlais. De 1948 à 1951, il suit au Conservatoire de Paris le cours d'analyse d'Olivier Messiaen.

Sa biographie se confond ensuite avec son œuvre musicale et quelques textes dont il est l'auteur : une monographie sur Debussy (1962), une thèse au C.N.R.S. (où il est attaché de recherche de 1962 à 1970), Debussy : ou l'approche d'une organisation autogène de la composition (1962), et divers articles pour des revues ou des ouvrages collectifs.

Créateur exigeant, Jean Barraqué vécut et œuvra en marge de la vie musicale de son temps, et ne nous laisse que six partitions achevées et publiées, totalisant à peine trois heures et demie de musique mais dont nous n'avons pas encore fini d'explorer la richesse. Après sa mort, on découvrira, inachevées et très difficilement déchiffrables, ce qu'auraient pu être Discours, pour soprano, contralto, 5 ténors, 4 barytons, piano et orchestre (1961), Lysanias, pour solistes, chœur et orchestre (1966-1973), Les Portiques du feu, pour 18 voix a capella, Hymnes à Plotia I, pour quatuor à cordes, Hymnes à Plotia II, pour piano, une œuvre lyrique en trois actes, restée à l'état de plan, L'Homme couché (1969-1972), Affranchi du hasard, pour chœur et clarinettes, (1970). Afin d'être exhaustif, il faut cependant ajouter une anecdotique Étude pour bande magnétique (1954), réalisée au Groupe de recherche de musique concrète de Pierre Schaeffer, où il suit un stage entre 1951 et 1954.

C'est entre 1950 et 1955 que Barraqué conçoit et réalise ses deux premières œuvres. Sa Sonate pour piano, commencée en 1950, est achevée en 1952 : cette sonate, « la plus monumentale peut-être depuis la Hammerklavier[Sonate pour piano no 29]de Beethoven » (Patrick Marcland et Marc Vignal), d'une quarantaine de minutes, en deux parties – plutôt rapide pour la première, plutôt lente pour la seconde –, ne sera créée, au disque,[...]

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

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