BARRAQUÉ JEAN (1928-1973)
Barraqué-Broch
De 1955 date la rencontre de Barraqué avec le roman philosophique de l'écrivain autrichien Hermann BrochLa Mort de Virgile, que lui fait connaître Michel Foucault, avec qui il entretient une liaison. Dès l'année suivante, Barraqué, fasciné par cette méditation sur la mort, sur l'éthique et sur l'art, rédige un plan général pour La Mort de Virgile, dont la réalisation va l'occuper le restant de sa vie. Il s'agit, pour le compositeur, d'écrire un cycle de commentaires et de paraphrases de la deuxième partie du roman de Broch, celle dans laquelle Virgile décrit son angoisse et son désespoir, au travers d'une série d'œuvres allant du piano solo à l'opéra (projet de L'Homme couché). La première étape de cet ambitieux programme est la mise en chantier, en 1956 et 1957, du Temps restitué, pour soprano, chœur et orchestre (les textes de Broch ont été traduits en français par Albert Kohn), qu'il laisse cependant momentanément de côté pour mener à bien deux autres volets de son cycle qui, n'ayant pas abouti, formeront le matériau de ...Au-delà du hasard, pour quatre formations instrumentales et une formation vocale, achevée en décembre 1959 et créée le 26 janvier 1960 au Théâtre de l'Odéon, à Paris, avec notamment Yvonne Loriod au piano, Hubert Rostaing à la clarinette, Jean-Pierre Drouet au vibraphone, le Jazz Groupe de Paris d'André Hodeir et l'Ensemble du Domaine musical dirigé par Pierre Boulez. Cette œuvre est, selon les propres mots du compositeur, « une sorte de vision polydimensionnelle où plusieurs mouvements communiquent les uns avec les autres, paraissent, réapparaissent, s'évanouissent, incarnant l'idée de l'étrangeté, de l'hétérogénéité. Et où tous les paramètres (hauteurs, registres, durées, timbres) érigent une contradiction totale par rapport à l'orchestration (le groupe de jazz étant ici conçu comme une agglomération harmonique). » (in Cahiers du jazz, no 4, 1961).
Les problèmes cependant s'accumulent (alcoolisme, dépression nerveuse, accident d'automobile en 1964) et ce n'est qu'en 1965 que Barraqué s'attelle à un nouveau volet de La Mort de Virgile, avec Chant après chant, pour six batteurs, voix et piano, achevé en 1966, « Partition que je rêvais austère, dure, violente, somptueuse, [...] stricte, pure, agitée, avare de son expression... » dont il dit aussi qu'elle est enfin l'œuvre qu'il devait à la mer et à son pays d'élection, la Bretagne. Chant après chant est créé le 23 juin 1966 à Strasbourg, avec notamment les Percussions de Strasbourg dirigées par Charles Bruck. En 1967 et au début de 1968, il orchestre et achève enfin Le Temps restitué, qui est créé le 4 avril 1968 au festival de Royan, avec la soprano Helga Pilarczyk et l'Ensemble du Domaine musical dirigé par Gilbert Amy. Sa dernière œuvre achevée est un Concerto, pour six formations instrumentales et deux instruments (vibraphone et clarinette), qu'il commence en 1962 à la demande de Pierre Boulez pour le Domaine musical et ne termine qu'en octobre 1968 ; les formations instrumentales sont des trios : par exemple basson, trompette et violon, cor anglais, trombone et alto, hautbois, cor et clavecin... Ce concerto, dédié à Hubert Rostaing, est créé le 20 novembre 1968 à Londres par son dédicataire, Tristan Fry au vibraphone et l'Orchestre symphonique de la B.B.C. sous la baguette de Gilbert Amy. D'autres parties de La Mort de Virgile avaient été esquissées, mais aucune autre ne verra le jour. Malade depuis quelques années déjà, Barraqué est frappé d'hémiplégie en 1973 et, opéré d'un hématome cérébral, il succombe peu après, le 17 août 1973, à Paris.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
Classification