Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BARRAQUÉ JEAN (1928-1973)

L'idée sérielle chez Barraqué

Compositeur exclusivement sériel, Barraqué n'en utilise pas moins la série d'une manière des plus personnelles comparée à l'orthodoxie post-wébernienne. Il invente en effet une nouvelle technique de développement, les séries proliférantes, qu'il va appliquer à partir de ...Au-delà du hasard. Une série « classique » est une permutation issue du total chromatique, c'est-à-dire une séquence de douze sons chromatiques, sans répétition, classés selon un ordre précis ; les transpositions, la rétrogradation et le renversement conduisent à 48 lectures différentes de la même série. Afin d'échapper à ce qu'il appelle la « tonalité sérielle », qui découle du fait que ces différents processus n'affectent pas la nature des intervalles de la série de départ, et entraînent donc une coloration harmonique, Barraqué va faire proliférer l'ordre sériel lui-même en réalisant le « produit » d'une série sur une autre, ce « qui a pour effet de permuter l'ordre des notes, de créer de nouveaux intervalles (but recherché), et de faire apparaître des notes pivots toujours situées aux mêmes places dans les séries engendrées, prémisse d'une dialectique entre la polarisation et la variation » (Marc Texier, 1995). Sans vouloir minimiser cette invention de Barraqué, précisons que cette technique singulière est exactement la même que celle des permutations symétriques d'Olivier Messiaen, décrites dès 1944, à cela près que Messiaen l'applique aux rythmes (rythmes rétrogradables et rythmes non rétrogradables), alors que Barraqué l'applique aux hauteurs. Chez ce dernier, l'œuvre est désormais organisée de son microcosme jusqu'à son macrocosme, elle est entièrement soumise à une unité organique indéfectible. Cependant, pour faire œuvre, pour produire de la musique en dépit du carcan intellectuel qu'une telle technique induisait, il fallait un tempérament créateur puissant alliant une inventivité et un imaginaire d'une ampleur peu commune.

Barraqué possédait indéniablement ces qualités. Mais n'exprimait-il pas, dans cet avant-gardisme forcené, sa nostalgie du romantisme ? « Dans „séries proliférantes“ il y a série, mais surtout prolifération, synonyme de „délire créateur“, flot continu de l'invention, sans limites, sans fin, sans détermination ; recréation par un procédé formel de cette grâce si décriée : l'inspiration. En cela le sérialisme de Barraqué pèche contre l'esprit sériel. Ce qui explique la méfiance qu'ont eu ses contemporains à son égard. » (Marc Texier, 1995).

— Alain FÉRON

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

Classification