BERTIN JEAN (1917-1975)

Le coussin d’air contre la roue de chemin de fer

L’idée de départ de Jean Bertin est de trouver un mode de transport terrestre à grande vitesse capable de concurrencer l’avion sur des distances de 100 à 500 kilomètres, en remplaçant le contact physique entre la roue et la voie par la sustentation sur coussin d’air. Pour développer ce concept, il fonde en 1965 la Société de l'aérotrain et la Société d'études et de développement des aéroglisseurs marins (SEDAM). Grâce au soutien d’organismes d’État, comme la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) et la SNCF, plusieurs prototypes sont testés, une ligne est construite près d’Orléans et l'aérotrain I 80, propulsé par un turboréacteur, établit le record mondial de vitesse, enregistré sur une distance de 3 kilomètres le 5 mars 1974 (417,6 km/h de moyenne avec une pointe à 430 km/h).

L’invention de Bertin ne parviendra pas à se concrétiser en termes d’exploitation, mais elle aura orienté la SNCF, qui n’en était guère convaincue au départ, vers le transport de passagers à grande vitesse sur ligne dédiée, ce qu’ambitionnait de faire l’aérotrain. C’est même une technique héritée de l’aéronautique, comme le préconisait l’ingénieur, qu’elle a d’abord essayée sur les premiers TGV (trains à grande vitesse), utilisant la turbine à gaz, avant de revenir à l’électricité à la suite du choc pétrolier de 1973.

Jean Bertin est cité comme inventeur ou co-inventeur dans 163 brevets, touchant surtout à l’aéronautique, tels que des silencieux pour avion à réaction, la dénébulation des pistes d'aérodrome, l’avion à décollage court ou vertical, etc.

Reconnu comme un expert en matière de recherche, Jean Bertin est élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur et élu membre de divers comités scientifiques, en France et à l'étranger. Il a tellement cru au succès de son aérotrain que la décision, prise par le président de la République Valéry Giscard d’Estaing, de lancer officiellement la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Paris et Lyon en septembre 1975 paraît l’avoir irrémédiablement affecté. Il s’éteindra trois mois plus tard, le 21 décembre 1975 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). De cette aventure moderne ne subsistent aujourd’hui que les 18 kilomètres de voie de béton en T inversé, entièrement en viaduc, sur laquelle l’aérotrain a battu son record de vitesse.