BESSARION JEAN cardinal (1403-1472)
Issu d'une très modeste famille de Trébizonde, alors capitale des grands Comnènes. Bessarion étudie à Constantinople, où il compte parmi ses maîtres le médecin et astronome Chrysokokkès, et se fait des amis, tel Francesco Filelfo le Vénitien. En 1423, il prend l'habit monastique et, à cette occasion, échange son nom de baptême, probablement Basile, contre celui de Bessarion. Il est ordonné prêtre en 1431. Vers cette époque, il est chargé d'une mission politique dans sa ville natale. Il s'initie ensuite au platonisme à Mistra (Morée), à l'école de Gémisthe Pléthon. Il était higoumène d'un monastère de Constantinople quand il fut promu métropolite de Nicée (1437).
On le retrouve peu après au concile de Ferrare-Florence (1438-1439), dans le conseil de Jean VIII et du patriarche Joseph. Principal porte-parole de son Église avec son rival Marc d'Éphèse, il s'engage résolument dans la voie de la conciliation ; aussi est-ce à lui qu'est confiée la lecture en grec du Décret d'union. Bessarion regagne ensuite, pour très peu de temps, Constantinople, avant de s'établir définitivement en Italie. Le 18 décembre 1439, Eugène IV le crée cardinal. Pasteur, diplomate et humaniste, il jouit d'un crédit international qui lui vaudra des voix aux conclaves de 1455 et 1471, mais il ne s'élèvera pas au-dessus de la dignité de patriarche latin de Constantinople (1463).
Évêque, Bessarion administre avec efficacité ses sièges suburbicaires de Sabine et Tusculum, en même temps qu'il entreprend la réforme des monastères grecs d'Italie. Il dispose, à ces fins, des moyens financiers tirés de la commende de nombreuses églises et abbayes. Diplomate itinérant, il défend la politique du Siège romain et va d'État en État préconisant une croisade antiturque. Légat à Bologne, de 1450 à 1455, il ramène l'ordre dans cette ville turbulente et en restaure l'université. Son projet de croisade le conduit à Naples auprès du roi des Deux-Siciles, Alphonse d'Aragon, en Allemagne parmi les princes, puis en Autriche devant l'empereur lui-même (1459). Il est quelque temps légat à Venise (1462-1463). Sa dernière mission le conduit auprès du roi Louis XI (1472).
L'histoire a surtout gardé de Bessarion le souvenir d'un humaniste et d'un mécène. Il avait fondé à Rome une académie où l'élite de la diaspora grecque se rencontrait — Théodora Gazès, Georges de Trébizonde, Janus Lascaris, Michel Apostolis — avec des lettrés italiens tels que Poggio, Perotti, Lorenzo Valla. En même temps qu'il y suscitait, animait ou arbitrait de doctes disputes, il envoyait des émissaires chercher des livres à travers l'Empire ottoman et en Italie du Sud. Il réussit à se constituer de la sorte une bibliothèque de huit cents volumes, dont cinq cents en grec, le fonds le plus imposant qu'ait connu la Renaissance. En 1468, il léguera sa collection à Saint-Marc de Venise, en hommage à « cette autre Byzance ». Les disputes de son académie lui inspirent son fameux In calumniatorem Platonis (Contre les détracteurs de Platon), en l'occurrence Georges de Trébizonde. Bessarion y exalte, sans minimiser la grandeur d'Aristote, la place du platonisme dans la pensée chrétienne. Il avait, d'autre part, traduit en latin diverses œuvres de l'Antiquité grecque, notamment la Métaphysique d'Aristote et les Mémorables de Xénophon. L'homme d'Église a laissé divers ouvrages en relation surtout avec l'Union de Florence : Apologie de Veccos, Réfutation de Marc d'Éphèse, ainsi que des discours, des mandements, diverses pièces hymnographiques, etc.
La mort surprit Bessarion à Ravenne, le 18 novembre 1472, alors qu'il revenait de sa malheureuse mission auprès de Louis XI. Sa dépouille fut ramenée à Rome, où elle repose dans l'église des[...]
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Écrit par
- Jean GOUILLARD : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
Classification
Média
Autres références
-
BYZANCE - La littérature
- Écrit par Encyclopædia Universalis et José GROSDIDIER DE MATONS
- 6 067 mots
...Georges Scholarios (mort en 1468), un des meilleurs spécialistes byzantins d'Aristote, qui connut même fort bien la scolastique latine, et le futur cardinal Jean Bessarion (1390 env.-1472), élève de Pléthon, platonicien tolérant qui essaya de prouver que les deux systèmes étaient complémentaires. -
GRÈCE - De la Grèce byzantine à la Grèce contemporaine
- Écrit par Jean CATSIAPIS , Encyclopædia Universalis , Dimitri KITSIKIS et Nicolas SVORONOS
- 21 411 mots
- 11 médias
Les penseurs les plus représentatifs des latinophiles furent, au xve siècle, Georges Gémistos Pléthon (1355 env.-1451 env.) et son disciple Jean Bessarion (1390 env.-1472). Influencés à la fois par l'Antiquité et l'Occident de leur temps, ils étaient partisans d'une limitation du pouvoir des...