BOLLACK JEAN (1923-2012)
Né à Strasbourg en 1923, Jean Bollack a rendu à la philologie, comprise comme étant non seulement l'étude des textes anciens, mais aussi la réflexion sur leur compréhension, sa dimension cognitive et critique. Formé à l'université de Bâle dans la grande tradition de la philologie allemande, il en reprend l'exigence de rigueur et de scientificité en l'alliant à une conscience de la modernité, en particulier poétique. Pensée selon une exigence à la fois scientifique et esthétique, la philologie devient autre chose que la préservation d'un patrimoine culturel et des valeurs pédagogiques qu'il incarne. Elle devient un exercice du jugement critique sur les œuvres et leur tradition.
Une traversée de la philosophie antique
Assistant (1958), puis professeur (1961) de philologie classique à Lille, invité à Berlin à l'Université libre (1956-1959) puis au Wissenschaftskolleg (1982-1983) et membre de l'Institute for Advanced Studies de Princeton (1971-1972), Jean Bollack a consacré ses premiers travaux à une question jusque-là considérée comme marginale : la doxographie et la constitution des recueils d'opinions concernant des philosophes. Cette familiarité avec les modes de constitution des traditions savantes lui permet, par l'attention portée aux altérations de la transmission, d'établir une reconstitution du poème d'Empédocle sur la nature à partir des fragments qui nous sont connus (Empédocle. Les Origines, 4 vol., 1965-1969 ; rééd. en 3 vol., 1992, que prolongera l'édition des Purifications, 2003). Le premier volume, une Introduction à l'ancienne physique, fournissait les préalables à l'intelligence d'un cosmos préaristotélicien. D'autres travaux sur les présocratiques contribuèrent à leur redécouverte ou à leur meilleure appréciation, éloignée aussi bien de l'image de précurseurs qu'en avait donnée la tradition aristotélisante que de leur relecture par Heidegger : on mentionnera les études sur Anaximandre, Parménide (De l'étant au monde, 2006) ou les atomistes, et surtout Héraclite, les fragments étant relus à partir de la prise en compte de la critique héraclitéenne des savoirs et son analyse du langage (Héraclite ou la séparation, avec Heinz Wismann, 1972 ; rééd. 1995). Dans la lignée redécouverte de ces pensées de la séparation, en particulier les atomistes ou les sophistes, à distance des synthèses cosmologiques présocratiques comme des synthèses philosophiques du platonisme et de l'aristotélisme, le travail sur Épicure, à partir des séminaires du Centre de recherche philologique de Lille, que Jean Bollack a créé dès la fin des années 1960, conduit à une redécouverte de la lettre même du texte. Ici, la philologie prend la défense de la spécificité d'une pensée et d'une expression, elle lui restitue son tranchant critique, souvent émoussé ou déformé par les processus de la transmission et par l'assimilation de la tradition culturelle (avec Mayotte Bollack et Heinz Wismann, La Lettre d'Épicure, 1971, ainsi que la mise au point que constitue Lettre à un président, 1972 ; La Pensée du plaisir, 1975 ; avec André Laks, Épicure à Pythoclès, 1978, et les Études sur l'épicurisme antique, 1976).
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Denis THOUARD : docteur en philosophie, directeur de recherche au C.N.R.S., centre Marc-Bloch, Berlin
Classification
Autres références
-
LA GRÈCE DE PERSONNE (J. Bollack)
- Écrit par Denis THOUARD
- 1 358 mots
En réunissant des études écrites sur près de quarante années (1958-1997), Jean Bollack fait la démonstration des possibilités de la philologie, au sens fort qu'il lui donne. Il réfléchit en même temps au chemin parcouru et à l'itinéraire intellectuel qui l'a permis : les essais qui composent...
-
CASSIN BARBARA (1947- )
- Écrit par Jean-Baptiste GOURINAT
- 995 mots
- 1 média
À l’université Lille-III, Barbara Cassin est formée à la philosophie grecque et à la philologie par Jean Bollack, sous la direction de qui elle rédige une thèse qui sera publiée sous le titre Si Parménide. (1980)