CALVIN JEAN (1509-1564)
L'« Institution de la religion chrétienne »
Dans la nuit du 17 octobre 1534, de petites affiches, des « placards » furent apposés en plusieurs endroits, à Paris et jusque sur la porte de la chambre de François Ier au château d'Amboise. C'était une attaque violente contre la messe, rédigée par le pasteur Antoine Marcourt, de Neuchâtel. Le roi s'emporta contre ce qu'il considérait comme un crime de lèse-majesté. Ne se contentant plus de se grouper en petits cercles d'humanistes, les évangéliques passaient à l'action, se livraient à la propagande. Le roi ordonna des persécutions. Des bûchers s'allumèrent, des martyrs y souffrirent la mort, et parmi eux Étienne de La Forge, riche marchand ami de Calvin.
Ces « brûlements » ne furent guère appréciés par des princes allemands, favorables à la Réforme, dont François Ier recherchait l'alliance contre Charles Quint. Pour les calmer, l'ambassadeur Guillaume du Bellay déclara que ces condamnés n'étaient que des révolutionnaires, des anabaptistes, dont il fallait réprimer les excès. Calvin voulut prendre leur défense et exposer leur foi « de peur, dit-il, que me taisant je ne fusse trouvé lâche et déloyal ». Ce fut alors qu'il publia son Institution chrétienne. « C'était seulement un petit livret contenant sommairement les principales matières et non à autre intention qu'on fût averti quelle foi tenaient ceux que je voyais ces méchants et déloyaux flatteurs diffamer vilainement et malheureusement. » (Préface au Commentaire des Psaumes.)
Rédigé en latin, l'ouvrage parut en 1536 à Bâle, petit volume, de format presque carré, facile à passer sous le manteau. Calvin l'a sans cesse retravaillé et augmenté au cours des éditions successives : en 1536, il a six chapitres ; en 1539 paraît à Strasbourg une deuxième édition latine en dix-sept chapitres ; en 1559, il contient quatre-vingts chapitres, divisés en quatre livres.
Une théologie en français. En 1541, Calvin traduit lui-même en français son texte latin de 1539. C'était la première fois que des thèmes théologiques étaient exposés en langue profane : le message évangélique, estime Calvin, n'est pas seulement pour les clercs, il est pour « servir à nos Français ». L'Institution est un des premiers monuments de la langue française, comme l'a reconnu Gustave Lanson dans un article important de la Revue historique (1894). Souvent rééditée, traduite en plusieurs langues, elle est le livre de base de la pensée réformée, sur lequel les siècles ont passé sans en atténuer la vigueur. L'« Épître au Roi de France Très Chrétien, François premier de ce nom », qui en est la préface, est considérée à bon droit comme un chef-d'œuvre. Malheureusement, le roi ne l'a sans doute jamais lue.
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Écrit par
- Jean CADIER : doyen honoraire de la faculté de théologie protestante de Montpellier
- André DUMAS
: pasteur, président du journal
Réforme
Classification
Médias
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