CALVIN JEAN (1509-1564)
Lutte sur deux fronts
Au cours des années (1541-1564) que Calvin a consacrées à Genève, il n'a guère connu que des luttes. Son labeur était considérable. Il assurait chaque jour une prédication à la cathédrale Saint-Pierre, plus un enseignement théologique. Peu à peu, par ses écrits, il donnait une structure à la doctrine de la Réforme, en précisait les données. Sa correspondance, plus de quatre mille lettres, nous le montre s'adressant aussi bien aux princes qu'aux persécutés, aux grands qu'aux humbles. Son combat se livrait sur deux fronts, celui des mœurs et celui de la doctrine. Plaque tournante de l'Europe, entre l'Italie, la France et l'Allemagne, Genève était une ville commerçante et ouverte, aimant le plaisir et la vie facile. Calvin s'efforça de tempérer cet épicurisme. Il trouva en face de lui les représentants des grandes familles genevoises, qui s'insurgeaient contre les rigueurs de « ce Français » et voulaient continuer à banqueter, à danser et à s'amuser malgré les Ordonnances. Un jour, le conflit s'aggrava. Deux procès étaient en cours, l'un contre Laurent Meigret, réfugié français, ami de Calvin, l'autre contre Ami Perrin, ambassadeur auprès du roi de France, qui était, avec toute sa famille, très opposé à Calvin. Le peuple de Genève prenait parti pour l'un ou pour l'autre et l'on était prêt à en venir aux mains. Le 16 décembre 1547, le Conseil des Deux-Cents tint une séance mouvementée. Malgré les avertissements, les protestations et les menaces, Calvin se rendit jusqu'à la salle des séances et réussit à apaiser le tumulte. « Tout faible et craintif que je suis, rappelait-il à la fin de sa vie, je fus néanmoins contraint pour rompre et apaiser les combats à la mort de mettre en danger ma vie et de me jeter tout au travers des coups. »
Sur le terrain de la doctrine, la lutte ne fut pas moins violente. Calvin était obligé d'admonester les timides, les « moyenneurs », les Nicodémites, comme on les appelait par allusion à Nicodème, le docteur de la Loi, venu voir Jésus de nuit par manque de courage. Il fallait sortir de l'humanisme, des compromis pour prendre en faveur de l'Évangile et en face des persécutions qui se déchaînaient une position courageuse. C'est alors qu'il écrivit son Excuse de Jean Calvin à Messieurs les Nicodémites sur la complainte qu'ils font de sa trop grande rigueur. Il lutta aussi contre les anabaptistes, contre les libertins, par où il faut entendre non les débauchés, mais les ultraspiritualistes qui prétendaient à des illuminations directes. Deux de ces libertins, Quintin et Pocque, appartenaient à la cour de Marguerite de Navarre. Celle-ci se plaignit de ces attaques et Calvin lui écrivit une très belle lettre, à la fois digne et respectueuse, où il dit en particulier : « Un chien aboie s'il voit qu'on assaille son maître ; je serais bien lâche si, en voyant la vérité de Dieu ainsi assaillie, je faisais du muet sans sonner mot. »
Il combattit aussi ceux qui s'opposaient à sa doctrine. Un ancien carme, devenu médecin, Jérôme Bolsec, s'éleva contre la prédestination à laquelle un pasteur avait fait allusion. Calvin lui répondit dans L'Élection éternelle de Dieu qui résume sa position. Bolsec fut banni de Genève et se vengea en publiant quelques années plus tard (1577) son Histoire de la vie, mœurs, actes, doctrines, constance et mort de Jean Calvin, qui est un ramassis de calomnies. Après avoir servi quelque temps d'arsenal aux polémistes catholiques, ce livre, réfuté point par point, n'est plus pris en considération.
L'affaire Servet. La lutte la plus rude fut celle qui opposa Calvin à Michel Servet. Né à Villeneuve en Aragon, en 1511, Servet commença ses études à quatorze ans à Toulouse. Esprit précoce et génial, il voyage[...]
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Écrit par
- Jean CADIER : doyen honoraire de la faculté de théologie protestante de Montpellier
- André DUMAS
: pasteur, président du journal
Réforme
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