CHAPELAIN JEAN (1595-1674)
Fils d'un notaire parisien, Jean Chapelain abandonne des études de médecine pour entrer comme précepteur chez le marquis de La Trousse, dont il administrera longtemps les biens. Célibataire, il vit avec une économie que ses adversaires taxent de ladrerie, de même qu'ils brocardent sa mise peu soignée. Il nourrit, il est vrai, une seule passion, le savoir, et a pour seul luxe sa bibliothèque (4 000 à 5 000 volumes). Il possède à fond les langues et les littératures de l'Antiquité classique, celles de l'Italie et de l'Espagne. Il parle en connaissance de cause des « romans » du Moyen Âge et des poètes du xvie siècle. Son rôle de pédagogue auprès de la future Mme de Sévigné relève de la légende, mais il conseille sans doute la jeune femme. Sa conversation, malgré une gravité compassée, le fait estimer par Montausier et par le clan sérieux de l'hôtel de Rambouillet. Le duc de Longueville le pensionne. On lui offre deux fois un secrétariat d'ambassade, qu'il refuse, et il est nommé conseiller d'État en 1645. Richelieu l'utilise lors de la fondation de l'Académie et le charge de rédiger les Sentiments de l'Académie sur le Cid (1637). Avec ses amis Conrart et Balzac, il régente le monde littéraire dans les années cinquante. Sa position, renforcée par son excessive complaisance et par la correspondance qui l'unit à toute l'Europe, est si robuste qu'elle survit à la publication des douze premiers chants de sa Pucelle (1656). Colbert le choisit pour orchestrer, de 1661 à 1664, l'entreprise de glorification royale qui doit réunir, moyennant gratification, tous les gens de lettres. Mais le ridicule de son poème le désigne aux sarcasmes triomphants de Boileau et d'autres ennemis implacables, comme Ménage, Marolles, Costar. Il finit tristement. Son importance, considérable, s'identifie avec le rôle qu'il a joué dans l'élaboration de la doctrine classique (Préface de l'Adone, 1629 ; Lettre sur les vingt-quatre heures, 1630), dont les tenants, formés à un goût plus sûr, devaient se déchaîner contre lui.
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Écrit par
- Jean MARMIER : docteur ès lettres, professeur à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne
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