PICHEGRU JEAN CHARLES (1761-1804)
Fils d'un cultivateur du pays d'Arbois, Pichegru parvient très jeune à devenir répétiteur de mathématiques à Brienne ; il s'engage comme soldat en 1780 (contrairement à la légende, Napoléon n'aura donc guère eu le temps de profiter de ses connaissances mathématiques) et fait la guerre d'Amérique. Sergent-major en 1789, il milite avec ardeur au club des Jacobins de Besançon et devient lieutenant-colonel d'un bataillon de volontaires. La rapidité de ses promotions est alors foudroyante ; en octobre 1793, il commande en chef l'armée du Rhin. Il est subordonné à Hoche (ce qu'il supporte mal) pour la délivrance de l'Alsace ; au printemps de 1794, soutenu par la faveur de Saint-Just, il commande l'armée du Nord, conjugue ses actions avec Jourdan pour achever la conquête de la Belgique et, en janvier 1795, s'empare de toute la Hollande. Pichegru apparaît alors comme l'un des plus glorieux et des plus sûrs entre les chefs « sans-culottes » des armées de la République.
De passage à Paris en avril 1795, il reçoit pleins pouvoirs de la Convention pour mater l'insurrection populaire de germinal an III. Est-ce alors que, premier général révolutionnaire appelé à trancher de l'épée les nœuds de la politique, il entrevoit à son ambition de nouvelles perspectives ? À peine nommé au commandement de l'armée nouvellement créée de Rhin-et-Moselle, il accepte d'avoir une série d'entrevues avec un agent du futur Louis XVIII et du prince de Condé ; il s'engage par écrit à mettre sous quelque délai son armée au service de la royauté, moyennant énormément d'argent, le bâton de maréchal, le gouvernement de l'Alsace et la propriété de Chambord. C'est dans de telles vues qu'il entame fort mollement sa campagne d'été de 1795, laisse battre Jourdan sans le secourir et se replie. Se sentant suspecté, il offre sa démission, qui est acceptée contre son attente en mars 1796 ; ici prend fin une carrière militaire qui promettait mieux.
Député, et aussitôt président des Cinq-Cents (avril 1797), Pichegru se pose alors ouvertement en leader de la droite et prépare secrètement un coup d'État royaliste ; Barras le paralyse en le menaçant de publier une note sur sa trahison, remise par d'Antraigues à Bonaparte en juin ; arrêté le 18-Fructidor, Pichegru est déporté en Guyane, s'évade et se réfugie à Londres. Il n'abandonne pas la partie ; lié à l'élaboration du complot de Cadoudal, il débarque clandestinement à Biville en janvier 1804, vient à Paris, met en rapport avec Cadoudal son vieil ami (et déjà complice ?) Moreau, mais est arrêté. Le 6 avril au matin, il est trouvé étranglé dans sa prison. En l'apprenant, Bonaparte dit à Réal : « Nous avons perdu la meilleure pièce à conviction contre Moreau » ; il faut donc songer à un suicide, et repousser en tout cas la version selon laquelle Bonaparte, tremblant devant la gloire de Pichegru, l'aurait fait étrangler.
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Écrit par
- Jean MASSIN : écrivain
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