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CHAUVIN JEAN (1889-1976)

Le sculpteur Jean Chauvin, un des précurseurs de l'art abstrait, n'a jamais atteint la notoriété. Cela s'explique par l'existence retirée qu'il a toujours menée, car il fut à la fois solitaire et secret, ne se livrant guère aux confidences. Depuis 1908, il a partagé son temps entre sa Charente natale et la région parisienne, toujours volontairement coupé du monde, mais ne l'ignorant pas. Cette misanthropie s'est, en effet, accompagnée d'une immense curiosité intellectuelle et d'une grande culture dont ses quelques amis ont toujours témoigné. Sa sculpture en rend compte, à laquelle il a consacré toute sa vie, chaque étape de sa création, de l'élaboration au polissage, bénéficiant des mêmes soins minutieux.

La vie de Jean Chauvin reste assez obscure. Seuls quelques jalons permettent de l'éclairer, qui relèvent tous de son activité artistique. Il est né à Rochefort-sur-Mer. On sait qu'il fit son apprentissage chez Joseph Bernard et qu'il fut son praticien jusqu'en 1914. À cette époque, il sculpte des œuvres stylisées encore figuratives (Maternité, 1913, bois de cyprès), mais peu à peu, il rejoint une certaine abstraction. En 1920, il participe au Salon d'automne et c'est à cette époque que le collectionneur Jacques Doucet s'intéresse à lui. Il connaît le milieu des décorateurs à la mode et présente, au milieu de leurs réalisations, des sculptures qui, bien que géométriques, ne peuvent guère être qualifiées d'« art déco ». Il participe à l'Exposition des arts décoratifs de 1925. Il doit attendre 1928 pour sa première exposition personnelle, à la galerie Au Sacre du Printemps. D'autres sont organisées à la galerie Jeanne Bucher en 1936, en 1941 et en 1947, mais la première exposition véritablement importante n'a lieu qu'en 1949, à la galerie Maeght. Bien qu'accompagnée d'articles élogieux, elle ne contribue guère à le faire connaître à un large public. En 1960, la monographie que lui consacre Christian Zervos n'a pas plus de retentissement que l'exposition chez Alex Maguy, à la galerie de l'Élysée, et sa sélection pour la biennale de Venise de 1962 ne lui apporte guère plus de notoriété puisque ce n'est qu'en 1971 et en 1974 que de nouvelles expositions personnelles seront organisées. L'obscurité qui entoure cette œuvre dépend de la personnalité de Jean Chauvin qui s'est toujours abstenu de la mettre en valeur. Il s'est d'ailleurs toujours désintéressé des manifestations faites autour de lui, ne se déplaçant jamais pour l'une de ses expositions, ne relevant même pas les erreurs faites autour de son prénom (appelé Louis, dans un catalogue, il n'a pas relevé cette erreur).

L'œuvre de Chauvin se caractérise par son extrême sensualité, exprimée par des formes pleines et harmonieuses, souvent phalliques (Le Vent se lève, 1940 ; Pierre qui lève, 1954 ; Jet d'eau, 1958), dont l'épiderme lisse est obtenu par un patient polissage du bois précieux, de la pierre ou du bronze. Les titres sont poétiques : Le rêve appelle et passe, En un soir chaud d'automne. Matin calme et ardent, Incantation maternelle...

Entre les deux guerres, Chauvin sculpte essentiellement des œuvres très symétriques, faites d'une imbrication de formes cylindriques, sphériques et coniques aux décrochements décoratifs. Cependant, comme l'avait déjà signalé Stanislas Fumet (Derrière le miroir, Paris, 1949), elles relèvent plus de l'architecture que de la décoration et on pourrait très bien les concevoir à une autre échelle. Parmi ces œuvres, citons Puissant et solitaire et Narcisse, toutes deux au Musée national d'art moderne de Paris. D'autres œuvres, aux formes épurées présentant des analogies avec celles de Brancusi ou de Arp, montrent que les recherches[...]

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Écrit par

  • : conservateur au Musée national d'art moderne, Paris

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