RUFIN JEAN-CHRISTOPHE (1952- )
Jean-Christophe Rufin est né à Bourges le 28 juin 1952. Médecin neurologue et psychiatre, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, l'écrivain globe-trotter parcourt le monde : Nicaragua, Afghanistan, Balkans. Entre autres fonctions publiques, il est chargé de mission auprès du secrétaire d'État aux Droits de l'homme, puis attaché culturel et de coopération auprès de l'ambassade de France au Brésil, vice-président de Médecins sans frontières (1991-1993), président d'Action contre la faim (2002-2006) et ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie (2007-2010). C'est peu de dire que Jean-Christophe Rufin va au bout de ses engagements entre littérature, histoire, politique, diplomatie, humanitaire et médecine. « La plupart des bastilles étaient prises, les rêves de Grand Soir étaient souillés du sang des goulags, les lampions de Mai-68 éteints. » Ses choix procèdent de ce constat premier. Essayiste politique avec Le Piège humanitaire (1986), L'Empire et les Nouveaux Barbares (1991), Jean-Christophe Rufin est également l’auteur de La Dictature libérale (1994), essai où il insiste sur la nécessité de faire revivre les utopies.
Quant à ses romans, qui mêlent histoire et récits d'aventures, ils ne traitent du passé que pour mieux comprendre le présent. Rouge Brésil (prix Goncourt 2001), qui retrace l'expédition menée en 1555 par le chevalier de Villegagnon pour conquérir le Brésil au nom du roi de France, traite moins de la guerre coloniale que de la guerre civile entre les catholiques et les réformés, sous le regard des Indiens. À travers la destinée de deux enfants, le roman restitue la rencontre et la déchirure entre les peuples et les êtres, du côté des Indiens et des Occidentaux. De fait, la rencontre entre deux mondes constitue une thématique forte de son œuvre romanesque. Ainsi, La Salamandre (2005) raconte l'histoire d'une femme qui, partie au Brésil, vit avec un jeune homme une passion dont l'issue est ambivalente. L'aisance toute relative de l'une contraste avec la pauvreté matérielle de l'autre, riche pourtant d'humanité. Les rapports de pouvoir s'inversent, chacun est perçu dans sa vérité – dureté, égoïsme et cynisme –, à l'intérieur du pays brésilien qui inspire la confiance mais peut se révéler dangereux.
On retrouve le même sentiment de malaise et d'incertitude troublante dans un recueil de nouvelles, Sept Histoires qui reviennent de loin (2011). Qu'on soit dans le box d'un malade agonisant, une nuit de garde hospitalière à Paris, sous les yeux d'un interne débutant, dans un train Corail sur la ligne Paris-Luxembourg avec une jeune serveuse d'origine malienne, ou encore dans un refuge idéalisé des Alpes italiennes qui n'existe plus, au grand dépit du narrateur, les êtres appartiennent à une histoire individuelle ou collective plus ou moins douloureuse. Ils expriment, chacun à leur manière, une existence empreinte de déceptions et d'amertumes qui laissent toute sa mesure à une solitude existentielle blessée.
N'y aurait-il donc que des « causes perdues » pour reprendre le titre d'un autre roman de Jean-Christophe Rufin, paru en 1999, et qui fait écho à sa réflexion sur les pièges de l'humanitaire ? Le Grand Cœur (2012) semble apporter une réponse en associant étroitement rêve et histoire. L'ouvrage navigue entre le roman picaresque, la biographie et les confessions d'un narrateur mélancolique, l'argentier du roi, Jacques Cœur – né à Bourges comme l'auteur –, dit le Grand Cœur. Ce roman historique, à l'orée de la Renaissance, voit mourir le Moyen Âge – sa chevalerie, son servage et ses croisades –, et commencer la circulation des richesses à travers le commerce et le pouvoir de l'argent qui désormais ignore la terre. Le livre[...]
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Écrit par
- Véronique HOTTE : critique de théâtre
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Média