GRUMBERG JEAN-CLAUDE (1939- )
Jean-Claude Grumberg est né à Paris le 26 juillet 1939 dans le Xe arrondissement, au 34 de la rue Chabrol. Sa famille vivait là, et c’est en en enfonçant la porte que la police française est venue chercher son père en 1942. Il ne parviendra à en parler que plus de soixante ans plus tard, dans Mon père. Inventaire, récit paru en 2003 : « C’est par cette fente, par cette cicatrice que je suis né au monde, c’est par là que j’ai été arraché à l’enfance protégée, et jeté dans ce monde où la violence, l’injustice, la folie règnent, c’est par cette fente aussi que mon père fut extrait de la vie et projeté nu et hagard dans une froide salle de douche. »
Sa mère, « femme de déporté politique », élèvera seule Maxime, le frère aîné, et Jean-Claude. Elle sera au cœur de Pleurnichard (2010), autre récit à teneur autobiographique de l’auteur. Au cinéma, elle aimait « voir un film où il ne se passe rien » ; ce sera pour partie l’esthétique de son fils.
Jean-Claude Grumberg fait des débuts manqués dans divers ateliers et boutiques de confection. Il devient vite comédien, « pour fuir le métier de ses pères, tous tailleurs, apiéceurs, rapiéceurs ». Faute de rôles, il commence à écrire des pièces de théâtre. Le succès est immédiat, dès 1968. Parmi ses pièces les plus fameuses, primées aux Molières ou par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), on citera Dreyfus (1974), L’Atelier (197), Zone libre (1990), Vers toi Terre promise (2006), Moi je crois pas ! (2010). En tout, une quarantaine de pièces. Grumberg a également adapté Arthur Miller, Tchekhov ou Tom Kempinski. Scénariste, il a collaboré avec Marcel Bluwal pour la télévision, contribuant à Thérèse Humbert (1983) et Music-Hall (1985). Scénariste au cinéma pour Costa-Gavras, notamment pour Amen (2002) et Le Couperet (2004), on lui doit aussi les dialogues du Dernier Métro (1980), en collaboration avec François Truffaut.
Au bord de la disparition
Paru en 2018, La Plus Précieuse des marchandises est un conte. Un conte à sa façon, guère plus léger, à titre de comparaison, que La Petite marchande d’allumettes. Ce court texte résume l’art de Grumberg, conteur avant tout. Il aime narrer, possède l’art du portrait, le goût de l’incidente, de la digression qui ramène au centre, et sa langue, très simple, souvent familière, est efficace et vive.
« Mon rôle, c’est de faire rire », écrit Grumberg, lui qui a choisi d’écrire pour « remonter la pente ». Ce qui hante son œuvre, la Shoah, est une thématique difficile qui peut donner le pire – pathos, didactisme, leçon de morale – et le meilleur. Si écrire sur l’avant-guerre et la Libération n’a pas été une épreuve, écrire ce qui se passa pendant la guerre aura donc été extrêmement éprouvant : « On célébrait les combattants, ceux qui étaient morts les armes à la main […] Rien, jamais un mot ni un drapeau hissé – quel drapeau ? – pour honorer les nôtres. Nous devions trouver en nous-mêmes les motifs d’être fiers de nos parents, et nous n’en trouvions pas. » Le silence, les non-dits, les allusions seront la matière même des textes dramatiques ou narratifs. La disparition, pour reprendre un titre de Perec dont l’œuvre est, comme celle de Grumberg, hantée par le génocide, exige une langue qui en épouse les contours et traduise la douleur sans jamais peser. L’ironie de Grumberg fait le reste. Ainsi, relate-t-il dans Pleurnichard quand une jeune fille, au cours d’une rencontre publique, lui déclare que la mort de son père a été une chance, qu’elle lui a fourni de quoi écrire : « Réflexion faite, j’aurais pu lui dire que la mort d’un père en déportation aide moyennement l’auteur, même juif, qui se veut comique. Mais ne soyons pas mesquins, n’insultons pas le destin, sachons reconnaître quand on a de la chance et quand on n’en a pas. »[...]
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Écrit par
- Norbert CZARNY : professeur agrégé de lettres modernes
Classification
Média
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