PIROTTE JEAN-CLAUDE (1939-2014)

Jean-Claude Pirotte est un poète, romancier et peintre belge né à Namur (Wallonie), le 20 octobre 1939. L'enfant unique vit ses premières années à Gembloux, dans la Belgique occupée. Supportant mal les exigences d'un milieu bourgeois, il fugue aux Pays-Bas et au Danemark, trouve refuge dans la famille du linguiste William Prins (Une adolescence en Gueldre, 2005)qui lui fait aussi visiter les musées. Le lycéen d'Ede puis de Deventer (Pays-Bas) découvre alors l'œuvre d'André Dhôtel. Après l'abandon de ses études de lettres, quelques escapades à Tanger, à Florence et en Bourgogne (Mont Afrique, 1999), puis un premier mariage en 1962, l'obtention d’un doctorat de droit en 1964 lui permet de s'inscrire au barreau de Namur. En 1968, cet avocat des laissés-pour-compte est inculpé pour avoir favorisé l'évasion d'un client. Condamné à dix-huit mois de prison, Pirotte clame son innocence, puis choisit la fuite (Cavale, 1997), cinq ans durant. Son existence clandestine le conduit du val d'Aoste à la Catalogne, du sud de la France à Rethel où seront conçues deux œuvres majeures : un premier roman La Pluie à Rethel (2002) et les poèmes verlainiens de La Vallée de Misère (1987).

Dès la proscription de sa peine en 1981, Jean-Claude Pirotte s'installe comme brocanteur à Namur, devient chroniqueur à la radio belge (Les Contes bleus du vin, 1988) et se lie d'amitié avec Jacques Borel et André Dhôtel. En 1986, après des errances à Strasbourg, Cincinnati, puis Istanbul, l'écrivain, amoureux des vins et des vignobles (Autres arpents, 2000), vit à Angoulême (Faubourg, 1997 ; Rue des Remberges, 2003). En 1995, il part un an au Portugal et subit à son retour les premiers assauts de la maladie. De nouveaux vagabondages sont suivis d'une résidence à la Villa Mont-Noir et d'un départ pour Montolieu. En 1999, avec des vignerons de l'Aude, il crée l’association Lire en Cabardès. À partir de 2002, l’« écrivain du samedi et peintre du dimanche » se partage entre le vignoble d'Arbois (Revermont, 2009) et les polders du Nord (Hollande, poèmes et peintures, 2003 ; Autres séjours, 2010). Après la collection Lettres de Cabardès (aux éditions Le Temps qu'il fait), il fonde L'usage des jours (aux éditions La Table Ronde) dont il devient l’éditeur et où est rassemblée, en 2009, une somme poétique (Le Promenoir magique et autres poèmes,1953-2003). Bien que très malade, Pirotte ne cesse de peindre (Chemin de croix, peintures sur des poèmes de sa compagne écrivain Sylvie Doizelet, 2004), d'entretenir une riche correspondance illustrée, de tenir des chroniques littéraires, de composer des poèmes (Cette âme perdue, 2011 ; Le Très Vieux Temps, Ajoie, 2012 ; Vaine pâture, 2013 ; Gens sérieux s'abstenir,Une île ici, 2014) et d'écrire des romans (Absent de Bagdad, 2007 ; Place des Savanes, 2011 ; Brouillard, 2013 ; Portrait craché, 2014). Il meurt à Namur, le 24 mai 2014.

Couronnée par de nombreux prix (grand prix de poésie de l'Académie française et Goncourt de la poésie, 2012), l'œuvre de Jean-Claude Pirotte compte plus d'une cinquantaine d'ouvrages. Entre chronique et fiction, traversée de fantômes et de masques, elle se nourrit d’un quotidien précaire. Ses poèmes lyriques de la vie ordinaire mêlent l'élégie à l'autodérision, la fantaisie à la méditation. Ses romans, récits, chroniques et mélanges sont d'un styliste, musicien dans l'âme autant que peintre paysagiste. Dans ses décors mélancoliques et intimistes, l'artiste de la fugue rumine les souvenirs douloureux d'une enfance égarée sous l'Occupation, distille l'amertume des amours perdues, chante la petite musique de la misère lumineuse, les ciels de province et de Hollande, partage le vin de l'ivresse ordinaire et son désastre émerveillé sur un fond de noire finitude. [...]