CLAVREUL JEAN (1923-2006)
Psychiatre et psychanalyste, Jean Clavreul est né à Alençon le 24 novembre 1923, et décédé au cours d'un voyage en Italie, le 28 octobre 2006. Dans les années 1950, il entreprend une analyse avec Lacan et participe à la Société française de psychanalyse (S.F.P.). Puis il prend une part active à l'École freudienne de Paris (E.F.P.) fondée par Lacan en 1964, dont il est secrétaire jusqu'en 1969, puis vice-président. Avec Piera Aulagnier, Serge Leclaire, François Perrier, Guy Rosolato et Jean-Paul Valabrega, il appartient au premier directoire de l'E.F.P., également appelé le « Groupe des cinq », qui publie en 1966 un ouvrage collectif qui fera date, Le Désir et la perversion.
Le séminaire qu'il organise à Sainte-Anne avec Piera Aulagnier est à l'origine de la revue L'Inconscient (8 numéros en 1967-1968), dirigée par cette dernière, Conrad Stein et lui-même, qui publie des auteurs de diverses appartenances institutionnelles. Cette revue cesse de paraître lors de la fondation du Quatrième Groupe par Piera Aulagnier, François Perrier et Jean-Paul Valabrega. En 1978, Clavreul publie L'Ordre médical où, sur les traces de Georges Canguilhem et de son Essai sur le normal et le pathologique, il pose la question du pouvoir médical et de la position du médecin. Il aborde également le problème de l'ordre juridique et du politique, à partir des travaux de Hans Kelsen (La Théorie pure du droit), en 1986, dans Le Désir et la loi (Denoël).
Quelques jours après la dissolution de l'E.F.P. par Lacan le 5 janvier 1980, Clavreul écrit un article qui témoigne de son rapport à l'institution, dans Le Monde du 19 janvier 1980 : « L'Église freudienne de Paris ». Dans ce texte très remarqué où il se démarque de la position de Charles Melman et de Jacques-Alain Miller, il dénonce les effets de groupe et de servitude volontaire chez les analystes : « Quand on a reçu la psychanalyse comme une vérité révélée, on entre en analyse comme ailleurs on entre en religion ou au parti communiste. On jure fidélité à la Vérité révélée, et on refuse de s'interroger sur l'auteur de la révélation, Dieu, Marx, Freud ou Lacan. On n'oserait faire autre chose que de répéter... » Clavreul avait fondé pour sa part, en 1983, la Convention psychanalytique, mais se retire finalement de ce dernier groupe en 1989.
Son ouvrage posthume, L'Homme qui marche sous la pluie, publié en 2007, apporte un témoignage précieux sur l'histoire du lacanisme dont il fut un acteur majeur. Il ne cesse d'y interroger la position du psychanalyste, avec son style analytique très limpide et son sens de la formule : « La position du psychanalyste est „antiprescriptive“. Elle s'énonce dans la règle fondamentale, c'est-à-dire comme une incitation à continuer à parler, mais surtout sans que l'analysant s'impose à lui-même des règles : celle de dire ce qu'il croit devoir dire, celle de taire ce qu'il croit devoir taire. C'est en cela que le psychanalyste ne peut se considérer lui-même comme un simple disciple, un disciple étant toujours capable de faire un contresens sur la pensée du maître, et surtout porté à ériger en loi ce qui avait été un discours. Là sans doute prend toute sa portée l'énoncé de Lacan : „L'analyste ne s'autorise que de lui-même.“ Cela signifie qu'il ne s'autorise d'aucune institution, mais aussi d'aucun maître. »
Clavreul était un très grand clinicien qui a toujours témoigné de sa liberté face aux institutions. Cette défiance, ou cette relativisation, de l'institution psychanalytique allait de pair, pour lui, avec une éthique du psychanalyste qui ne peut être qu'une éthique du sujet : « L'éthique du psychanalyste ne consiste pas à proposer ou à imposer une nouvelle morale concernant le désir, mais à faire[...]
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Écrit par
- Jacques SÉDAT : psychanalyste, membre d'Espace analytique, secrétaire général de l'Association internationale d'histoire de la psychanalyse
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