COCTEAU JEAN (1889-1963)
Le grand public
C'est avec L'Éternel Retour que Cocteau touche enfin le grand public. Le film, daté de 1943, est tourné en commun avec Jean Delannoy. Le public... Cocteau avait-il oublié l'audience de son œuvre ? Non, sans doute. Mais le voici plus sensible qu'auparavant à l'accueil qui lui est réservé. Le théâtre et le cinéma l'accaparent presque à eux seuls. Déjà, en 1938, Les Parents terribles avaient renouvelé jusqu'à le transcender le genre boulevardier. Le public avait répondu, comme il répondra à L'Aigle à deux têtes. Voici donc Cocteau en homme célèbre. Prince encore, mais un peu moins « frivole » qu'au temps de La Lampe d'Aladin. On l'interroge à la radio, on commence la publication de ses Œuvres complètes, on l'élit à l'Académie française. Lui, cherche toujours. Il accompagne les tournées théâtrales où sont jouées ses œuvres, il porte à l'écran ses grands drames de l'avant-guerre. Une figure s'inscrit, comme l'emblème d'une parfaite communion, au coin de toutes ces entreprises : celle de Jean Marais.
Jusqu'à sa mort, Cocteau habita ces deux personnages qu'il voulut fondre en un : celui de l'artiste épris de toutes les formes, et celui de l'homme aimé et admiré de tous les publics. Il se fait peintre, encore, décorant la chapelle de Villefranche-sur-Mer ou celle de Saint-Blaise-des-Simples à Milly : sollicité de toute part, il accepte toutes les besognes.
Le 11 octobre 1963, il s'éteint. L'homme éparpillé a-t-il conquis sous les honneurs son unité ? Aux yeux des contemporains, certainement pas. Cocteau reste aujourd'hui, pour beaucoup, l'éclectique que ses dons perdirent, l'esprit foisonnant qui ne sut se fixer nulle part.
Cocteau garde en lui cette irréparable brisure qui sépare le brillant élève et l'artiste maudit. Comment comprendre l'œuvre qui se fraye, sans interruption, un chemin entre les deux, si ce n'est en faisant état d'une infaillible fidélité à soi-même ? Le secret de l'exigence sans relâche est là. Celui de la douleur aussi.
« Le poète qui accepte de poursuivre la route à pied jusqu'au bout devient une victime de la société, qui l'expulse comme indésirable. Il dérange. Il est considéré comme un flâneur contre qui se heurte une foule où chacun s'imagine savoir où il va. Il est ordre en forme de désordre. Un aristocrate à figure d'anarchiste. Un empêcheur de danser en rond. »
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Écrit par
- Christian DOUMET : agrégé de lettres, docteur ès lettres, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université Stendhal, Grenoble
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