DALIBARD JEAN (1958- )
Jean Dalibard est un physicien expert des interactions entre la matière et le rayonnement électromagnétique intense généré par des lasers. Ses recherches se situent à l’interface de la physique atomique et de l'optique quantique. En 2021, il reçoit la médaille d’or du CNRS, qui couronne chaque année depuis 1945 un scientifique « ayant contribué de manière exceptionnelle au dynamisme et au rayonnement de la recherche française ».
Jean Dalibard est né le 8 décembre 1958. Après de brillantes études à l’École normale supérieure (ENS) couronnées par une agrégation de physique et une thèse de troisième cycle sur la fluorescence de résonance, sous la direction de Claude Cohen-Tannoudji (Prix Nobel de physique 1997, conjointement avec Steven Chu), Dalibard est détaché comme scientifique du contingent dans l’équipe d’Alain Aspect à l’Institut d’optique d’Orsay. Il participe à la mise au point d’un test expérimental des inégalités que le physicien irlandais John S. Bell (1928-1990) avait proposées en 1964 pour mettre à l’épreuve le phénomène d’intrication spécifique des théories quantiques. Le succès de ce test sera internationalement reconnu comme déterminant dans l’abandon des théories dites « à variables cachées » proposées par plusieurs physiciens, dont Albert Einstein et Louis de Broglie, pour simplifier la difficile interprétation de la mécanique quantique.
Après un recrutement précoce au CNRS en 1982 – il restera attaché à cet organisme jusqu’en 2012 –, Dalibard effectue son doctorat d’État au sein du laboratoire Kastler-Brossel de l’ENS, fondé en 1951 par Alfred Kastler (Prix Nobel de physique 1966) et Jean Brossel. Il soutient en 1986 sa thèse, également dirigée par Cohen-Tannoudji, sur l’interaction matière-rayonnement, et particulièrement sur les propriétés des ensembles d’atomes à très basse température. En tirant partie des échanges d'énergie et d'impulsion entre la matière et les photons, on peut en effet obtenir des gaz extrêmement froids dont les propriétés sont essentiellement dictées par les lois de la physique quantique. Les nombreux travaux de Dalibard, tout au long de sa prolifique carrière, seront consacrés à la manipulation d'atomes par des champs électromagnétiques ainsi qu’à l’étude de ces états ultrafroids.
Dalibard est à l’origine du développement d’un outil essentiel permettant la manipulation atomique : le piège magnéto-optique (MOT pour magneto-optical trap) constitué d’une combinaison de plusieurs faisceaux laser convergeant dans une cavité soumise à un champ magnétique. Réalisé en 1987 par l’équipe de Steven Chu au Bell-Labs Complex de Homdel (États-Unis), ce piège permit alors d’atteindre des températures inférieures au millikelvin pour un ensemble de quelques millions d’atomes de sodium.
Dès 1989, les travaux de Cohen-Tannoudji et Dalibard sur le refroidissement par laser se révèlent essentiels pour aller au-delà d’une valeur (appelée limite Doppler) qui semblait interdire l’accès aux très basses températures. Un « condensat de Bose-Einstein » – « assemblée d’atomes gelés » qui se comporte comme un système quantique unique – est observé en 1995 par Eric Cornell, Carl Wieman et Wolfgang Ketterle qui se partageront le prix Nobel de physique en 2001 pour cette découverte. Les travaux subséquents de l’équipe de Dalibard permettent d’élucider certaines propriétés importantes de ces condensats. Ainsi, en remuant à l’aide d’un faisceau laser focalisé, un ensemble d’atomes de rubidium piégés et refroidis, ils observent la formation d’un ou plusieurs vortex, la mesure de la durée de vie de ces tourbillons indiquant que le condensat se comporte comme un superfluide, c’est-à-dire qu’il est dépourvu de viscosité.
En proposant l’utilisation des ensembles d’atomes[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Média