JEAN DAMASCÈNE (640 env.-env. 750)
La synthèse de la christologie byzantine
La pensée de saint Jean Damascène constitue la vivante synthèse de la christologie des Pères grecs et surtout des élaborations proprement byzantines provoquées par les controverses qui, du ve au viie siècle, ont suivi le concile de Chalcédoine. En particulier, le Damascène assure une transmission quasi pédagogique à l'Orient chrétien de la pensée profonde mais difficile de Maxime le Confesseur.
Son œuvre capitale, la Source de la connaissance (ΙΙηγ̀η τ̃ης γν́ωσεως), comporte une brève « Dialectique » qui achève la métamorphose chrétienne du vocabulaire philosophique grec, surtout d'Aristote, et donne les définitions désormais classiques des antinomies trinitaires et christologiques. Suit une « Histoire des hérésies », sans grande originalité, sinon pour l'Islam, défini comme une hérésie chrétienne. La troisième partie, fondamentale, est l'« Exposé de la foi orthodoxe ».
La christologie du Damascène systématise la « distinction-identité », élaborée d'abord par les Cappadociens en théologie trinitaire, de l'essence ousia et de l' hypostase (la « personne », mais dans un sens non individuel). « Source d'existence » méta-ontologique, l'hypostase fait exister à l'intérieur d'elle-même l'essence. Selon la trouvaille terminologique de Léonce de Byzance, il n'est de nature qu'« enhypostasiée » : lorsqu'elle l'est par plusieurs hypostases – dans la Trinité ou dans la consubstantialité du Christ et de tous les hommes –, l'« essence » désigne leur unité dans la diversité, leur communion à la fois personnelle et ontologique. Ainsi se précise, dans une direction différente de ce que Heidegger nomme l'« onto-théologie » occidentale, une ontologie du mystère et de la communion, incluse dans le sans-fond de l'hypostase.
Archétype de l'humanité, le Fils – Parole et Image du Père – transcende par amour sa propre transcendance. Il « enhypostasie » l'humanité, « souffre et meurt dans la chair » pour abolir, dans son corps ressuscité, toute séparation entre Dieu et l'homme. Non seulement il restaure notre nature, mais s'unit à chacun de nous par une communion indicible, où le Damascène discerne une tendresse « paternelle » : « Tout entier, il m'assume tout entier. Tout entier, il s'unit à moi tout entier, afin de me donner le salut à moi tout entier. » La nature humaine, créée comme un dynamisme de déification, s'accomplit en lui, l'Adam définitif : car l'« union hypostatique » du divin et de l'humain permet, par la « communication des idiomes » (la « périchorèse »), un véritable échange vital, la transfiguration de l'humanité par les énergies divines. L'homme reçoit dans les mystères de l'Église la « gloire du corps » et la vraie liberté, qui n'est plus le libre arbitre qui se refuse et tâtonne (la volonté « gnomique » de saint Maxime), mais l'adhésion pleinement « naturelle » à l'amour.
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Écrit par
- Olivier CLÉMENT : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris
Classification
Autres références
-
JÉSUS ou JÉSUS-CHRIST
- Écrit par Joseph DORÉ , Pierre GEOLTRAIN et Jean-Claude MARCADÉ
- 21 165 mots
- 26 médias
...subtiles, l'Église « orthodoxe » dut, à son tour, élaborer une théologie de l'icône où la représentation du Christ était rendue possible par son Incarnation. Saint Jean Damascène, au viie siècle, fut le premier grand théologien des images sacrées, qui justifie ainsi la possibilité de figurer le Dieu-Homme...