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POLLET JEAN-DANIEL (1936-2004)

La carrière de Jean-Daniel Pollet s'inscrit sous le triple signe de la recherche de la perfection, d'une volonté insatiable d'innovation, mais aussi de la malchance. Ce réalisateur discret, ignoré du grand public, est pourtant l'un des auteurs phares du cinéma né de la nouvelle vague.

Né à La Madeleine (Nord) le 20 juin 1936, Jean-Daniel Pollet vit une enfance tranquille dans un milieu aisé où il reçoit une éducation solide qui le conduit à intégrer Sciences-Po. Il abandonne ses études pour rejoindre le Service cinématographique des armées, où on lui confie des reportages : il a déjà été chef opérateur sur des films animaliers tournés avec son cousin, François Bel.

Le matériel à vocation militaire est détourné pour une expérience cinématographique : filmer l'ennui d'une salle de danse le dimanche après-midi. Au fil des semaines, la figure d'un habitué émerge des rushes. Pollet découvre ainsi celui dont il fera le Buster Keaton français, Claude Melki. L'expression de sa timidité maladive engendre les plus belles séquences du film (Pourvu qu'on ait l'ivresse..., 1957) et fait naître un personnage récurrent, Léon. Jean-Daniel Pollet l'utilisera quatre fois en moins de quinze ans, toujours avec le même bonheur : de Gala (1962) à L'Acrobate (1975), où Léon vainc sa timidité par le biais de la danse et se métamorphose en séducteur. La veine comique de ces œuvres, mêlant le réalisme populaire à l'absurdité de la banalité quotidienne, va tracer une voie dont seul Jacques Tati avait donné l'exemple dans le cinéma français.

Cette partie – la mieux connue de sa filmographie – masque dans un premier temps la singularité du reste de ses expérimentations. Acteur de la nouvelle vague dont il est le benjamin en tournant son premier long-métrage à vingt-trois ans (La Ligne de mire, 1959, inédit), Jean-Daniel Pollet enchaîne avec des films à caractère alimentaire et des sujets pour la télévision. Viennent ensuite un film policier esthétisant destiné à lancer Françoise Hardy au cinéma (Une balle au cœur, 1965), un film de science-fiction tourné au Brésil (Le Maître du temps, 1970, inédit), une fable utopiste (Tu imagines Robinson, 1967, inédit) et surtout Le Sang (1972, inédit), l'un des seuls exemples réussis d'adaptation européenne des principes du Living Theatre.

Chaque nouveau film est l'occasion d'expérimenter un domaine précis. Adaptation de Maupassant, Le Horla (1967) illustre les rapports régissant la psychopathologie et les couleurs. Toute variation chromatique correspond à un état de la maladie du personnage interprété par Laurent Terzieff.

Si l'œuvre de Jean-Daniel Pollet compte de fervents admirateurs, elle le doit surtout à deux films : Méditerranée (1963) et L'Ordre (1973). L'idée du premier est née de la traversée en trois mois d'une quinzaine de pays autour du bassin méditerranéen et de la volonté de ne pas réduire les images récoltées à un simple documentaire. Filmant une chose par plan, le cinéaste réussit, lors du montage, à utiliser les plans comme des mots. La rencontre d'éléments a priori inconciliables et la répétition presque à l'identique de séquences rythmées par une musique d'Antoine Duhamel et un texte circonvolutif de Philippe Sollers donnent naissance à un film culte de la modernité cinématographique.

L'Ordre est tourné dans une léproserie en Crète. Raimondakis raconte pourquoi ses camarades et lui-même ont refusé de quitter un lieu où ils avaient été enfermés pendant plus de trente ans pour certains, bien qu'ils n'aient commis aucun crime. Très vite, les spectateurs sont fascinés par les mots de ce fils d'avocat. La bande-son, devenue le contrepoint absolu de l'impression visuelle, fait de ce film une réussite inégalée.

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Écrit par

  • : doctorant en histoire du cinéma, École pratique des hautes études (IVe section), critique de cinéma

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