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BARBEYRAC JEAN DE (1674-1744)

Jurisconsulte, philosophe et publiciste français né à Béziers, fils d'un célèbre pasteur calviniste. Après avoir suivi les cours du collège calviniste de Montagnac, Jean de Barbeyrac doit émigrer en Suisse avec sa famille à la suite de la révocation de l'édit de Nantes. Envoyé par son père, en 1693, à Genève pour étudier la théologie, il renonce rapidement à devenir pasteur et préfère se consacrer à des études de droit et de jurisprudence qu'il poursuit dans cette ville, puis à Francfort. En 1697, il devient professeur de littérature au Collège français de Berlin, puis d'histoire et de droit civil à Lausanne ; il se fixe enfin à Groningue, où il enseigne le droit public ; en 1714, il prend la direction de l'Académie et devient membre de la Société des sciences de Prusse.

Au sein du grand courant du droit naturel, Barbeyrac occupe une position complexe puisqu'il est disciple, en philosophie, de Locke et, en droit, de Grotius et de Pufendorf. Son œuvre consiste essentiellement en traductions commentées des « pères » du droit naturel ; ces traductions étant très libres, puisqu'elles comportent des suppressions, et même des changements de plan, il est souvent difficile de déterminer ce qui revient respectivement à l'auteur et au traducteur. Tandis que Grotius, en soutenant l'absolutisme, ne faisait qu'articuler un discours nouveau à des réalités encore trop puissantes pour être contestées, Barbeyrac écrit à une époque où la pensée individualiste libérale peut s'exprimer plus clairement. Il se rattache à l'école cartésienne, en ce que, par exemple, il souligne la part de la volonté dans la formation du jugement. C'est surtout chez Locke qu'il puise son inspiration : il nie les idées innées, ainsi que tout principe a priori et fait dépendre le bien et le mal de la nature des choses. Il considère que ce qui convient aux relations naturelles entre les hommes n'est point pour autant source d'obligation. Il reprend la distinction établie par Grotius et développée par Thomasius entre qualités morales et qualités légales de l'action pour construire une théorie de l'obligation morale, fondée sur la volonté divine. Il s'oppose ici d'une part à Pufendorf, qui, en confondant droit naturel et morale rationnelle, avait éliminé la référence à Dieu ; d'autre part à Leibniz, qui donnait un fondement théologique au droit naturel.

Barbeyrac, prenant ses distances par rapport à Grotius, ne réduit pas la souveraineté à la propriété et ramène l'ensemble des principes du droit international au droit naturel. Il est un des premiers à affirmer que l'autorité politique ne saurait aller sans le consentement des peuples.

Outre quelques œuvres originales telles que Traité du jeu (1709), le Traité de la morale des Pères (1728) où il ridiculise les Pères de l'Église, et un Supplément au grand corps diplomatique, histoire curieuse des anciens traités jusqu'à Charlemagne (1739), on lui doit surtout les traductions suivantes de Pufendorf : Le Droit de la nature et des gens (De jure naturae et gentium, Amsterdam, 1706) ; Les Devoirs de l'homme et du citoyen (De officio hominis et civis, 1707) ; de Noodt : Du pouvoir des souverains et de la liberté de conscience (1707) ; de Cumberland : Les Droits de la nature (De legibus naturae) ; de Grotius : Le Droit de la guerre et de la paix (De jure belli ac pacis, 1724).

— Patricia BUIRETTE

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Écrit par

  • : professeur de droit international public à l'université d'Évry-Val-d'Essonne

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  • JUSNATURALISME

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    • 1 663 mots
    ...droit édicté par le souverain ; selon Spinoza, la naturalité du droit demeure inviolable jusque dans l'État (Res publica). La controverse entre le juriste Jean de Barbeyrac (1674-1744) et Leibniz (1646-1716) révèle deux rameaux divergents dans le jusnaturalisme. Pour Leibniz, adversaire de Pufendorf, le...