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BRUNHOFF JEAN DE (1899-1937)

Conteur, écrivain et illustrateur français, Jean de Brunhoff appartient à une famille d'origine balte et suédoise d'éditeurs et de rédacteurs de revues d'art (son père avait édité le Programme des Ballets russes de Diaghilev). Né le 9 décembre 1899 à Paris, cet élève de l'atelier d'Othon Friesz peint dans une veine impressionniste quand un incident donne une tout autre orientation à sa carrière : il entend sa femme raconter à leurs deux enfants malades l'histoire d'un petit éléphant. Jean de Brunhoff, séduit par le récit, réalise une maquette et son beau-frère, directeur des éditions du Jardin des Modes, décide de l'éditer. C'est ainsi que naît, en même temps que l'Histoire de Babar, le petit éléphant (1931), une vocation de conteur-illustrateur qui portera le nom de Brunhoff au premier plan de la création du livre d'images avant-guerre. Le premier album est aussitôt suivi du Voyage de Babar (1932) et du Roi Babar (1933), publiés simultanément à New York et à Londres.

Après la fantaisie de l'ABC de Babar (1934), la maison Hachette rachète les droits : la saga Babar se poursuivra avec Les Vacances de Zéphir (1936) et deux albums posthumes, publiés initialement en feuilleton dans le journal anglais Daily Sketch : Babar en famille (1938) et Babar et le Père Noël (1941). L'originalité stylistique de l'œuvre s'atténue légèrement au cours de la série et on peut considérer que les deux derniers albums présentent des qualités formelles moins achevées.

De très grand format (36 × 26,5 cm) dans l'édition originale de quarante-huit pages, disponible depuis plusieurs années en reprint, l'album est à l'échelle du personnage principal. Pour faire accepter à l'œil de l'enfant la masse de l'éléphant, Brunhoff prend en effet le parti de la faire évoluer sur une surface suffisamment étendue pour qu'elle n'occupe pas entièrement la page. L'ampleur de la mise en pages structure l'image et réserve de larges blancs autour des formes synthétiques des éléphants.

La palette, fondée sur les rapports entre les trois couleurs rouge, vert et jaune, complétées par quelques touches pastel pour reposer l'œil, posées en aplats, met en valeur la masse grise, à peine modelée, de Babar : ainsi le bleu, couleur froide, n'apparaît-il que dans Le Voyage de Babar pour les besoins d'un récit où la mer joue un rôle important. En réalité, l'univers coloré de Babar est très fantaisiste et obéit à des nécessités psycho-affectives : le costume vert de Babar, tout de suite repérable sur la page, rythme le déroulement de l'histoire, organisée autour de sa présence sécurisante, pacificatrice, paternelle.

Dès qu'il arrive en ville et qu'il revêt cet habit, Babar prend aussitôt quelques années de plus et devient un monsieur-éléphant, ce qu'il était en filigrane dès la première image (bercé dans un hamac par sa maman-éléphant en pleine forêt vierge, il se laissait déjà appréhender comme un bébé humain). Le costume de ville désigne Babar comme une figure investie du savoir, de la sagesse et du comportement humains, donc apte à régner sur la société des éléphants : en revanche, le costume marin rouge et blanc d'Arthur fixe définitivement le cousin de Babar en petit garçon farceur auquel peut s'identifier l'enfant. Les costumes des éléphants, vêtements humains, mais aussi habits de mascarade, donnent l'impression que tout le monde joue à se déguiser, que la fête est perpétuelle : la représentation théâtrale du Roi Babar, où les acteurs – en costumes d'époque et perruque – interprètent visiblement une comédie de Molière, matérialise ce goût du spectacle et du travestissement qui est un des bonheurs de l'enfance.

Par la mise en pages[...]

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