LA FONTAINE JEAN DE (1621-1695)
La canonisation de l’homme et de l’œuvre
La fin de l’existence du poète est marquée par la Querelle des Anciens et des Modernes, déclenchée par un poème de Perrault louant la réussite culturelle sans exemple des auteurs du temps. La Fontaine, dans l’Épître à Huet, prend clairement parti pour les auteurs de l’Antiquité, dont la pérennité miraculeuse atteste qu’ils sont des « guides » incomparables pour tout écrivain espérant atteindre, à son tour, une perfection intemporelle, grâce à une « imitation » qui, toutefois, « n’est point un esclavage ». Mais cette position est quelque peu éclipsée par l’usage que font de son œuvre les partisans des Modernes, qui voient en La Fontaine un exemple probant de réussite esthétique novatrice : ses Fables ne dépassent-elles pas infiniment celles d’Ésope, et même celles de Phèdre ? Premier exemple d’un phénomène récurrent qui ira s’accentuant après sa mort : le brouillage, voire la distorsion de la figure du poète, selon des intérêts très variables.
Cette distorsion concerne d’abord l’image de l’homme lui-même, bientôt enveloppé d’un halo de légendes particulièrement dense. Au fil des textes biographiques qui lui sont consacrés au XVIIIe siècle, les anecdotes les plus fantaisistes et invérifiables font de lui un être rêveur, étourdi, écrivant des Contes érotiques sans penser à mal, révélant en revanche pleinement l’étendue de son génie littéraire et moral dans la fable.
Elle touche ensuite ses textes. Si le xixe siècle commence par faire de La Fontaine l’« Homère » français (Sainte-Beuve), seul véritable poète du Grand Siècle, on l’érige bientôt en précepteur de la jeunesse dans les classes de la IIIe République. Ses Fables sont lues, de façon utilitaire, comme un manuel de morale laïque, au prix de l’effacement de leur dimension poétique et de ses autres œuvres.
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Écrit par
- Tiphaine ROLLAND : maître de conférences en littérature française, Sorbonne université
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