LA HUERTA JEAN DE (mort apr. 1462)
Le génie de Jean de La Huerta n'est apparu que lors d'une exposition qu'on lui a consacrée en 1972, au musée de Dijon. Longtemps, La Huerta n'a été qu'un nom dans des textes qui, s'ils nous révélaient sa puissante personnalité, laissaient dans l'ombre son rôle dans l'évolution de la sculpture bourguignonne au milieu du xve siècle. En 1439, la mort de Claus de Werve laisse le tombeau de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière à l'état de projet. En 1443, les gens des Comptes incitent Philippe le Bon à s'adresser à Jean de La Huerta. Le 23 mars 1443, cet Aragonais originaire de Daroca s'engage à exécuter le tombeau, dans un délai de quatre ans, en se conformant au projet qu'on lui a remis et qui est vraisemblablement l'œuvre de Claus de Werve. Il se met aussitôt au travail, mais il éprouve rapidement de grandes difficultés. Il rompt à deux reprises les blocs dans lesquels devaient être taillés les gisants du duc et de la duchesse. Découragé, il s'enfuit de Dijon à la fin de décembre 1456 pour se réfugier à Mâcon. (On perd ensuite sa trace à la fin de l'année 1462.) Antoine Le Moiturier, désigné pour lui succéder pour l'achèvement de ce tombeau, passe, le 4 novembre 1466, un marché qui permet de préciser la part respective des deux artistes. Jean de La Huerta avait exécuté les piliers, les anges, les angelots, les pleurants et le heaume du duc. Antoine devait achever les architectures d'albâtre, terminer les pleurants et les angelots et tailler les deux gisants. On peut ainsi réunir autour d'un pleurant conservé au musée de Cleveland quelques œuvres de La Huerta, sept ou huit pleurants et les anges agenouillés de part et d'autres des têtes du duc et de la duchesse. Les retombées des étoffes se font en grandes courbes harmonieuses. Les oppositions entre pleins et creux, ombre et lumière ne sont jamais violentes mais s'opèrent par une succession de passages qui suppriment toute rupture. La détente amorcée par Claus de Werve atteint ici à la douceur et à un merveilleux équilibre qui permettent de comprendre les raisons de l'estime dont l'artiste est entouré par ses contemporains. D'autres œuvres sont très proches de ce groupe de pleurants : la Vierge et le Saint Jean-Baptiste de l'église de Rouvres-en-Plaine (près de Dijon) présentent cette même souplesse dans le traitement des drapés avec des jeux d'ombre extrêmement subtils ainsi que, malgré certaines faiblesses, la Vierge à l'enfant de l'église de Pesmes (Haute-Saône). Ce style marque bon nombre d'œuvres exécutées dans l'entourage de la famille Rolin, avant d'être adopté par de nombreux sculpteurs.
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Écrit par
- Alain ERLANDE-BRANDENBURG : conservateur général honoraire du Patrimoine
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GOTHIQUE ART
- Écrit par Alain ERLANDE-BRANDENBURG
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...un lyrisme inédit (chartreuse de Champmol). Ses successeurs vont se situer par rapport à cette position paradoxale : Claus de Werwe (neveu de Sluter), Jean de la Huerta, Antoine Le Moiturier. Chacun d'entre eux abandonne le souffle épique, mais retient le principe de l'hégémonie de la draperie. Il en...