LABORDE JEAN DE (1878-1977)
Amiral français, responsable du sabordage de la force navale de haute mer à Toulon, le 27 novembre 1942.
Le comte Jean de Laborde, né le 29 novembre 1878 à Chantilly, fut le premier chef de l'aviation maritime. Préfet maritime de Bizerte de 1932 à 1936, il est vice-amiral commandant en chef pour l'Atlantique en 1940 avant d'être nommé à Toulon à la tête de la flotte qui subsiste après l'affrontement franco-anglais de Mers el-Kébir et la suspension, par Hitler, de l'article 8 de la convention d'armistice (désarmement de la marine).
Son loyalisme envers le gouvernement de Vichy est sans faille : en 1942, en accord avec le maréchal Pétain, Pierre Laval et l'amiral Platon, il présente à l'ambassade du Reich à Paris le projet de formation d'un corps franc de vingt mille hommes, qui serait envoyé au Tchad pour combattre les Forces françaises libres rassemblées par le futur maréchal Leclerc de Hauteclocque. Mais les Allemands ne donnent pas suite à cette idée.
Après le débarquement en Afrique du Nord, Toulon forme, le 11 novembre 1942, un camp retranché. La veille, l'amiral de Laborde a fait prêter serment aux commandants des bâtiments de « défendre Toulon contre les Américains, les Anglais et les Français ennemis du gouvernement ». Les deux capitaines qui s'y refusaient – Pothuau et Du Garreau – ont dû quitter leur poste. Le 16, les Allemands imposent le retrait de la division renforcée qui garde le port. Cependant, le 25, Jean de Laborde affirme que la place reste « sous le commandement de la marine française », ce qu'il explique par « les sentiments d'admiration » que portent à celle-ci les hautes autorités militaires de l'Axe.
Le 27 novembre, à 3 h 30 du matin, les Allemands appliquent le plan Lila et débordent les deux postes de gendarmes maritimes qui gardent les entrées de Toulon. À 4 h 25, le préfet maritime est capturé dans son lit. À bord du cuirassé amiral, Jean de Laborde donne l'ordre de sabordage à 5 h 45 et le confirme, par écrit, à 6 heures, conformément aux plans préparés dès 1940 pour le cas où des forces indépendantes du gouvernement de Vichy menaceraient des navires français. Un de ses subordonnés, le contre-amiral Bléhaut, dira ensuite que, les pleins de mazout et d'armes étant faits, la flotte aurait pu sortir, facilement au début de novembre, ou avec des dégâts ensuite. Mais seuls cinq sous-marins franchirent les passes ; deux d'entre eux rallièrent l'Afrique du Nord. Et, en 1943, le comte de Laborde écrivit : « Les six mille officiers et marins des forces de haute mer peuvent jurer que je n'ai jamais cessé de leur communiquer ma haine des Anglo-Saxons, antérieure même à Mers el-Kébir, que je n'ai jamais songé à faire appareiller la flotte pour les joindre. » Au soir du 27 novembre 1942, la France n'a plus de marine de guerre car quatre cuirassés, sept croiseurs, dix-sept contre-torpilleurs, un transport d'avions, six avisos, seize sous-marins sont allés par le fond. Le 28, l'amiral de Laborde remercie les officiers et marins pour leur discipline et un « dévouement plus méritoire que bien d'autres actes d'héroïsme ».
Au même moment, Jean Guéhenno consigne dans son Journal des années noires (1940-1944) : « On n'a pas de mérite à être dupe. Mais ces messieurs de la Marine n'aimaient pas les Anglais et ne voulaient pas se battre à leurs côtés. Il faut que la France fasse les frais de leur vanité et de leur sottise. » Jugé à la Libération par la Haute Cour de justice, l'amiral de Laborde est, le 28 mars 1947, condamné à mort avant de bénéficier de la grâce du président Auriol qui transforme l'arrêt en peine de détention perpétuelle.
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
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