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DELANNOY JEAN (1908-2008)

Lors de la première véritable édition du festival de Cannes, en 1946, la « victoire du cinéma français » fut attribuée à La Symphonie pastorale. Le film célébrait à la fois le retour de Michèle Morgan des États-Unis et le savoir-faire de son réalisateur Jean Delannoy.

Disparu à l'âge de cent ans, ce metteur en scène, né en 1908 à Noisy-le-Sec, aura illustré, durant plusieurs décennies, un certain classicisme, signe distinctif de la production française des années 1940 et 1950, notamment. Passeur de grands classiques (Victor Hugo, Madame de La Fayette), adaptateur de grands contemporains (Gide, Sartre, Simenon) ou de littérature populaire (Paul Féval, Pierre Véry), Jean Delannoy, après une brève carrière d'acteur, se révèle au public en 1942, avec Macao, l'enfer du jeu, d'après Maurice Dekobra, avec Mireille Balin. Il avait déjà dirigé la comédienne dans La Vénus de l'or (1938), habile étude des milieux financiers ; il la retrouvera dans une adaptation plutôt réussie de Pierre Véry, L'assassin a peur la nuit (1942). Un montage nerveux, un rythme « à l'américaine » le prédisposent aux films de genre. Delannoy s'essaie même aux films conçus pour des chanteurs en vogue, tels Fièvres (1941), où Tino Rossi, malgré les relances amoureuses de Jacqueline Delubac, Madeleine Sologne et Ginette Leclerc, ne renonce pas à la prêtrise ! C'est une des meilleures apparitions de ce chanteur à l'écran.

Jean Delannoy se tourne ensuite vers les films de cape et d'épée, très en vogue à l'époque, avec une adaptation de Paul Féval, Le Bossu (1944), dans laquelle, bien avant Jean Marais, Pierre Blanchar campe un flamboyant Lagardère. Ce comédien emphatique mais toujours juste a tourné à plusieurs reprises avec Delannoy – et notamment Pontcarral, colonel d'Empire (1942), un des grands succès du cinéma pendant l'Occupation. Le film, bien que grandiloquent, ne manque pas d'un certain panache et multiplie les scènes d'anthologie.

Le réalisateur, désormais consacré, donne alors L'Éternel Retour (1943), où il réactualise le mythe de Tristan et Yseult. L'impact du film sur son public est surprenant : Jean Marais et Madeleine Sologne deviennent les « icones » de la jeunesse de l'époque, qui se montre prompte à revêtir le fameux pull jacquard du comédien et à adopter la blondeur de l'actrice. La collaboration de Jean Cocteau au scénario et aux dialogues est un gage de cette qualité, si honnie, quelque vingt ans plus tard, par les tenants de la Nouvelle Vague. L'Éternel Retour garde aujourd'hui un certain charme grâce à la photo noir et blanc et à l'aura des acteurs.

Jean Delannoy accumule succès et récompenses, notamment avec La Symphonie pastorale, d'après André Gide, où Michèle Morgan et Pierre Blanchar forment un couple quelque peu improbable, qui perpétue le mythe de l'éternel retour. Artisan consciencieux, le metteur en scène restitue parfois la lutte intime des héros gidiens (une jeune aveugle et un pasteur), mais sans véritable regard personnel. Cette distance qui confine à la froideur finira par le desservir dans des productions dites de prestige, comme Dieu a besoin des hommes (1950), avec Pierre Fresnay et Madeleine Robinson. Adapté par Jean Aurenche et Pierre Bost d'un roman d'Henri Queffélec, Un recteur de l'île de Sein, le film n'en remporte pas moins le prix de la Biennale de Venise et de l'Office catholique international du cinéma.

Durant ces années, Jean Delannoy tourne Les jeux sont faits (1947), dont Jean-Paul Sartre signe les dialogues. Le réalisateur crée un « royaume des morts » à la façon des studios hollywoodiens, mais parvient toutefois à préserver la thèse « existentialiste » de l'écrivain qui ne désavouera pas la production.

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