DESAILLY JEAN (1920-2008)
Réalisé en 1942 par Louis Daquin, Le Voyageur de la Toussaint constitue l'une des meilleures transpositions de Simenon à l'écran. Pour sa première apparition au cinéma, Jean Desailly, né en 1920 à Paris et diplômé du Conservatoire, impose un personnage de jeune premier réservé, fragile d'apparence mais toujours résolu. Le comédien, ainsi révélé, va entamer un parcours exemplaire au cinéma et au théâtre. Pensionnaire à la Comédie-Française, il quittera la sécurisante Maison de Molière pour intégrer de 1946 à 1968 la Compagnie Renaud-Barrault, alors installée au Théâtre Marigny. Avec sa compagne Simone Valère, rencontrée sur le tournage du film de Daquin, Jean Desailly va former un couple de théâtre modèle, toujours soucieux de servir les grands textes. Il participe à de mémorables productions. Citons notamment l'Amphitryon de Molière, Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, où il joue tour à tour les deux rôles principaux, Les Fausses Confidences, de Marivaux, ou encore Pour Lucrèce, de Jean Giraudoux. Jean Desailly déploie également sa technique et sa fantaisie dans Occupe-toi d'Amélie de Feydeau, qu'il interprétera au cinéma en 1949, sous la direction de Claude Autant-Lara.
Parallèlement, Jean Desailly enchaîne les rôles au cinéma. Il est particulièrement remarqué dans Le Jugement dernier de René Chanas (1945), où il incarne avec grande sensibilité un fils de collaborateur – rôle tenu par Louis Seigner –, ou encore dans La Symphonie pastorale de Jean Delannoy (1946), où il interprète le fils d'un pasteur, au côté de Michèle Morgan.
Jean Desailly sait toujours jouer avec justesse, même dans de petits films de série comme Amour, délices et orgues (1947), innocente comédie musicale, ou Carré de valets du même André Berthomieu, où le comédien incarne un avocat amoureux de Martine Carol. Dans le film d'Autant-Lara, Occupe-toi d'Amélie, il recrée le rôle qu'il tenait à la scène en opposant à la frénésie des protagonistes une réticence fort divertissante.
En 1950, il entonne les couplets de Véronique, adaptation filmée par Robert Vernay de l'opérette de Messager ; et, bien qu'il n'en ait plus tout à fait l'âge, il interprète la même année un surprenant Chéri dans le film de Pierre Billon, d'après le roman de Colette. Desailly poursuit un parcours littéraire avec Jocelyn d'après Lamartine, au côté de Simone Valère et sous la direction de Jacques de Casembroot (1952), puis réalise un court-métrage – une adaptation d'On ne badine pas avec l'amour de Musset (1955) –, avant de trouver deux de ses rôles les plus marquants au cinéma, dans Les Grandes Familles de Denys de La Patellière (1958), où il excelle à jouer les victimes expiatoires, et Maigret tend un piège de Jean Delannoy (1958), où il interprète le rôle du mari impuissant d'Annie Girardot, un assassin cherchant à lutter avec ses pulsions meurtrières. Dans Le Baron de l'écluse, du même Delannoy (1960), il incarnera au contraire un séducteur amusé. En 1961, il retrouve les douloureux questionnements des antihéros de Simenon avec La Mort de Belle d'Edouard Molinaro. François Truffaut, ému par sa composition, lui propose le premier rôle de La Peau douce (1964). Une fois de plus, Desailly se révèle remarquable dans ses incertitudes et sa veulerie. Il tournera également avec Jean-Pierre Melville (Le Doulos, 1962, puis Un flic, 1972) et Joseph Losey, pour L'Assassinat de Trotsky (1972). Jusqu'à sa dernière apparition à l'écran, dans La Dilettante de Pascal Thomas (1998), le cinéma demeura une récréation pour ce grand homme de théâtre.
Interprète de Marguerite Duras, de François Billetdoux, Jean Desailly prend de 1972 à 1975 la direction du théâtre Hébertot, où il crée Le Légume d'après Francis Scott Fitzgerald, et L'Amour[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
Classification
Autres références
-
VALÈRE SIMONE (1921-2010)
- Écrit par André-Charles COHEN
- 810 mots
Avec Jean Desailly, dont elle fut la compagne durant plus de soixante ans, Simone Valère – de son vrai nom Simone Gondolf – aura vécu une des aventures théâtrales les plus exaltantes du xxe siècle.
Née en 1921 à Paris, l'actrice, après avoir suivi les cours de René Simon et être entrée au...