DESHAYES JEAN (1924-1979)
Né à Paris le 11 février 1924, Jean Deshayes, après des études à l'École normale supérieure, fut membre de l'École française d'Athènes de 1949 à 1952. Il passa ensuite plusieurs années au Liban, d'abord comme chercheur au CNRS puis, à partir de 1958, comme pensionnaire de l'Institut français d'archéologie de Beyrouth. Professeur d'archéologie orientale à l'université de Lyon en 1961, il la quitta en 1968 pour l'université de Paris-I.
L'itinéraire scientifique de Jean Deshayes n'est pas des plus communs en archéologie. D'abord attaché à l'étude de l'archéologie grecque, c'est vers les périodes protohistoriques qu'il se tourna dès son passage à l'École d'Athènes, attiré par la rigueur des analyses typologiques pratiquées en ce domaine. Ce souci apparaît dans la fouille et la publication de l'Argos protohistorique (Argos, les fouilles de la Deiras, Paris, 1966) et dans sa participation à l'étude des maisons et quartiers d'habitation de Malia en Crète. Lors de son séjour à l'Institut français d'archéologie de Beyrouth, auprès de Henri Seyrig, il continua de travailler sur le monde grec, secondant les recherches de Jean Bérard à Chypre. Sa publication de la Nécropole de Ktima (Paris, 1963) est une contribution importante à l'archéologie de l'âge du fer chypriote. Mais c'est l'âge du bronze au Moyen-Orient qui l'attirait désormais, sans qu'il reniât en rien son intérêt pour l'Europe orientale. En témoigne sa thèse : l'Inventaire des outils de bronze de l'Indus au Danube, du IVe au IIIe millénaire (Paris, 1960). En collaboration avec J.-C. Gardin, qui travaillait alors à l'application des méthodes documentaires en archéologie, il mit au point un code descriptif des armes et outils de bronze accompagné d'un fichier mécanographique (1956), l'un des tout premiers du genre et certainement l'un des plus élaborés, qui fut remanié et publié en 1964.
Mais Deshayes ne se contentait pas d'études typologiques. Avec la diffusion des outils de bronze, il avait abordé l'histoire des mouvements de population qui affectèrent l'ancien Orient. Afin de mieux les connaître, il ouvrit les deux chantiers de fouille qu'il devait étudier conjointement jusqu'à sa mort : Dikili Tash en Macédoine grecque (1961) et Tureng Tepe au Turkménistan iranien (1960). Sur l'un et l'autre, il put analyser la séquence des contacts entre deux mondes. À Dikili Tash, un âge du bronze ancien semblable à celui de Troie et du monde grec succède à des cultures néolithiques et chalcolithiques issues des Balkans. À Tureng Tepe, du Néolithique à la période islamique, une accumulation de près de sept mille ans révèle l'histoire complexe des relations entre le plateau iranien et l'Asie centrale. Cette volonté d'élargir les champs de recherche, où certains virent de la dispersion, contrastait salutairement avec le provincialisme où pouvait se complaire l'archéologie. Un congrès sur l'Iran et l'Asie centrale, pour lequel Jean Deshayes réunit en 1976 à Paris des spécialistes du monde entier, montra à quel point cette orientation était fructueuse. Désirant encore élargir cet horizon, il se tournait alors vers les régions mal connues à cette époque de l'Arabie du Sud et des Émirats arabes du Golfe. Il y prit l'initiative de fouilles dont les premiers résultats ne déçurent pas son attente. De formation toute littéraire, Jean Deshayes sut comprendre l'intérêt qu'il y avait à renforcer les raisonnements archéologiques par des faits d'analyse physico-chimique, lorsque cela était possible. Sous sa direction, une recherche pluridisciplinaire sur les sources d'approvisionnement en cuivre du Moyen-Orient venait d'aboutir en 1979 à des résultats fondamentaux pour l'histoire des relations culturelles et commerciales dans le monde oriental aux IV[...]
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Écrit par
- Serge CLEUZIOU : directeur de recherche au CNRS
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