DUBUFFET JEAN (1901-1985)
Un artiste-écrivain
Parallèlement à sa carrière de peintre et de sculpteur, Dubuffet impose une œuvre écrite indissociable de sa pratique artistique. À travers l'écriture, il s'attaque aux nomenclatures en bouleversant, par une subversion du lexique et de la syntaxe, le découpage traditionnel de la réalité en catégories distinctes. Commentateur de ses propres œuvres, il décrit, explique et vulgarise sa démarche pour maîtriser leur réception. Ses écrits, en particulier sa correspondance avec Jacques Berne pendant près de quarante ans – véritable laboratoire d'idées –, livrent un portrait plus intime et plus fouillé de sa démarche créatrice.
Pendant la deuxième exposition parisienne de Dubuffet en 1946, paraît chez Gallimard Prospectus aux amateurs de tout genre, à valeur de manifeste. Dubuffet y exprime ses choix esthétiques en faveur d'un art populaire, dont le point de départ serait une tache « informe », qui évoluerait au gré du hasard, de l'automatisme et des rencontres avec le matériau. Accueilli par les écrivains contemporains, il réalise avec certains d'entre eux des livres illustrés (Matière et Mémoire, ou les Lithographes à l'école, 1945, avec Francis Ponge ; La Métromanie, ou les Dessous de la capitale, 1950, avec Jean Paulhan). C'est également pendant l'immédiat après-guerre qu'il introduit l'écriture au cœur de sa pratique artistique en dotant chaque œuvre d'un titre original à l'issue d'une recherche qui pouvait parfois comporter jusqu'à sept titres biffés.
La collaboration de Dubuffet avec des écrivains se poursuit par une série de portraits, Plus beaux qu'ils croient, portraits de ses marchands à l'époque, René Drouin et Pierre Matisse, et surtout portraits d'écrivains ; des archétypes où se brouillent le « très général et le très particulier, le très subjectif et le très objectif, le métaphysique et le trivial grotesque » : notamment Limbour façon fiente de poulet (1946) Michaux, vieil ivoire et thé, 1947 ; Dhôtel nuancé d'abricot, 1947.
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Écrit par
- Marianne JAKOBI : chercheur au C.N.R.S., centre André-Chastel
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