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HALLIER JEAN-EDERN (1936-1997)

« J'ai une mauvaise image dans les coteries intellectuelles ; c'est normal, j'ai d'abord une forte image populaire ; en somme, je suis le Voltaire des garçons coiffeurs. » Ainsi, Jean-Edern Hallier s'exprimait-il sur lui-même dans les colonnes de L'Événement du jeudi, le 16 juillet 1992. À cette date, celui qui rejetait la sommaire, et trop commode, étiquette de clown médiatique, au nom d'une hybridité qui lui faisait avoir « un pied dans le showbiz » et l'autre « dans la poussière infinie de la bibliothèque d'Alexandrie », allait entrer une nouvelle fois en campagne contre la corruption des lettres, et augmenter d'épisodes riches en rebondissements sa longue carrière de polémiste.

Cette carrière-là commence, en 1963, avec sa retentissante exclusion de la revue Tel Quel qu'il avait fondée trois ans plus tôt en compagnie de Jean-René Huguenin, Philippe Sollers et Renaud Matignon. Pour ce fils de général, diplômé de l'université d'Oxford en littérature comparée, latin-grec et philosophie, ce groupe devait être à l'origine du « dernier mouvement littéraire de la jeunesse française ». Sous sa direction (1960-1963), Tel Quel publia des textes de Francis Ponge, Henri Michaux, Louis-René des Forêts, de Georges Bataille aussi, dont Les Larmes d'Éros.

La rupture de 1963 fut précédée, en 1962, de la tragique disparition de Jean-René Huguenin, dont le souvenir ne cessera de hanter Hallier né le même jour que lui – le 1er mars 1936 –, et qui était son « jumeau stellaire ». Elle fut suivie d'une très vive déception – celle de ne pas voir couronner par le prix Médicis son premier roman, Les Aventures d'une jeune fille (1963), un « roman de terreur » qui avait cependant enthousiasmé Michel Foucault. En dépit des critiques louangeuses de Klossowski et de Mandiargues, ni le livre suivant, Le Grand écrivain, ni La Cause des peuples (1972) n'obtinrent la récompense espérée par celui qui se jugeait pourtant « goncourable ». Cette frustration devait trouver sa compensation dans une dénonciation à répétition des trucages littéraires et des stratégies éditoriales de « Galligrasseuil », le dépôt d'une bombe au domicile de Robert Sabatier et la fondation d'un « anti-Goncourt ».

Les romans que publie, tout au long des années 1970 et 1980, cet « héritier passionné de la tradition classique » ne sont pas dissociables des vicissitudes de la vie politique. Après Mai-68, qui l'a vue passer dans les rangs des gauchistes, Hallier fonde, et dirige par intermittence, L'Idiot international, avec l'appui effectif de Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. En 1973, paraît Chagrin d'amour, qui lui vaut des démêlés avec Régis Debray, mis en scène dans ce tableau des révolutions en Amérique latine. Entre l'appel à voter pour François Mitterrand en 1974 et le début d'une longue campagne de dénigrement contre le président de la République élu en 1981, ce « guerrier des lettres », qui donne successivement Le Premier qui dort réveille l'autre (1977), Chaque matin qui se lève est une leçon de courage (1978), Un barbare en Asie du Sud-Est. Fin de siècle (1980) où se mêlent amertume et fulgurances, multiplie les interventions et les provocations. Animateur du Secours rouge, il fonde en 1974 les Éditions Hallier qui deviennent, en 1980, les Éditions Jean-Edern Hallier ; il crée, en 1977, avec Antoine Lefébure, la première radio libre. En 1978, il se présente pour la première fois à l'Académie française. L'année suivante, c'est la dénonciation de l'évolution du régime (Lettre ouverte au colin froid) et la constitution d'une liste bretonne pour les élections européennes.

Après 1981 et le spectaculaire retournement d'un amour en haine (« J'ai fait élire Mitterrand, je le[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-V-Sorbonne, secrétaire général de L'Année sociologique

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