PORTALIS JEAN ÉTIENNE MARIE (1746-1807)
Un médiateur
Par ses origines provençales, Portalis représente le droit des pays de droit écrit, c'est-à-dire celui qui se distingue du droit coutumier par une forte influence de droit romain. Ce qui lui importe surtout, c'est de faire triompher l'esprit général de la législation romaine dans laquelle il voit une sorte de droit naturel. Par la rigueur de ses principes, elle lui apparaît comme un facteur déterminant de l'unification de la législation française et comme un moyen de consacrer la sécularisation du droit réalisée par la Révolution.
Rompant avec les traditions de l'Ancien Régime, Portalis s'efforce d'expliquer les nouvelles règles aux justiciables. Avec Tronchet et Bigot de Préameneu, il lutte au Conseil d'État pour faire admettre la nécessité des définitions. Il n'en laissa pas moins un large pouvoir d'interprétation à la jurisprudence qui devra notamment « terminer les contestations ». Les minutieuses précautions prises par les compilateurs de Justinien (Code Justinien, 14, 12, 1) pour interdire tout commentaire de leurs solutions permettent d'apprécier la différence de conception de la codification moderne. Le pouvoir d'interprétation des magistrats ne doit cependant pas être anarchique ; aussi Portalis prend-il soin de le placer sous la surveillance du législateur. C'est à ce dernier qu'il appartient de remplacer les textes périmés, et ce n'est qu'en cas d'impéritie du législateur que le juge devra faire œuvre créatrice en s'inspirant de l'équité et du droit naturel.
Pour Portalis, la conservation de la liberté est le principal but de la rédaction du Code civil, et la propriété individuelle est le fondement essentiel de la liberté civile. Contrairement aux tendances de l'ancien droit et conformément aux idées dégagées pendant la Révolution française, l'individualisme triomphe partout, qu'il s'agisse du droit de propriété ou de la volonté présumée du défunt qui conditionne le droit successoral.
Le droit de la famille, et plus particulièrement la condition légale de la femme mariée, permet à Portalis de mieux se conformer encore aux tendances de son époque. En réaction contre les désordres de la Révolution, on assiste à un retour à l'ordre familial le plus strict. Alors que la jurisprudence des parlements s'efforçait d'aboutir à une certaine libération de la femme : « Les auteurs du Code civil ont recréé l'inaptitude de la femme mariée et, avec elle, le copieux cortège de ses conséquences sociales » (Schimsévitsch).
Portalis a su concilier les principes de 1789 avec la technique du droit romain. Par tempérament, plus encore que par manque de temps, il s'est refusé à tenir compte des courants multiples mais vivants et progressifs qui existaient dans l'ancien droit français.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jehan de MALAFOSSE : professeur à l'université de Paris-II
Classification
Autres références
-
CIVIL DROIT
- Écrit par Muriel FABRE-MAGNAN
- 9 077 mots
...qui ont été largement repris dans le Code civil de 1804. Pièce maîtresse de l'œuvre de codification du droit engagée dans la période révolutionnaire, le Code civil fut finalement rédigé grâce au talent de Jean Étienne Marie Portalis, qui en dirigea l'élaboration (avec la collaboration de Tronchet,... -
CODE NAPOLÉON
- Écrit par André TUNC
- 2 677 mots
Un des rédacteurs du Code, Portalis (1746-1807), a exprimé les conceptions qui ont présidé au travail de la Commission dans un document remarquable, le fameux Discours préliminaire. Ces conceptions touchent à la fois au fond et à la forme du Code. -
CODIFICATION
- Écrit par Guy BRAIBANT
- 6 903 mots
- 1 média
Le premier, magistralement éclairé par le discours prononcé par Portalis lors de sa présentation au Conseil d'État, et à l'élaboration duquel Napoléon a participé personnellement, est certainement l'un des textes les plus importants et les plus connus de l'histoire du droit. Il a marqué un tournant... -
JURISPRUDENCE
- Écrit par André TUNC
- 2 705 mots
Il semble que, dégagés des idées excessives de la période révolutionnaire, les rédacteurs du code Napoléon, et en particulier J. M. Portalis, aient été les premiers à voir quelles fonctions aurait la jurisprudence des tribunaux dans le cadre d'un droit codifié.